Lorsque l’Open d’Australie débutera le 8 février prochain, cela fera plus d’un an que Roger Federer n’est plus apparu dans un tournoi de tennis. Le dernier qu’il a disputé, c’était justement à Melbourne en 2020, et le Suisse avait atteint le dernier carré après un parcours semé d’embûches et marqué par de véritables miracles contre John Millman et Tennys Sandgren (7 balles de match sauvées !). Mais des embûches, il y en a eu des plus sérieuses après le premier Grand Chelem de la saison, à commencer par une opération au genou droit, suivie d’une deuxième quelques mois plus tard, qui ont définitivement enterré un hypothétique retour sur le circuit en fin d’année. Cependant, les dommages sur le plan comptable ont été assez limités en raison de la crise du coronavirus. Comme si les dieux du tennis avaient tout fait pour atténuer les effets de l’absence du maestro suisse cette année…
Cette absence, il va bien falloir s’y habituer de toute façon. Roger Federer a soufflé sa 39ème bougie cet été, et, inéluctablement, chacun sait, lui le premier, que sa fin de carrière n’est plus très loin. Dans ce cadre, 2020 aura au moins servi à préparer le terrain à l’annonce de sa retraite qui résonnera comme un coup de tonnerre le jour où le Bâlois décidera de ranger sa raquette. Et que cela soit dans six mois comme dans deux ans, cela ne changera rien. La déflagration sera maximale. «Ce ne serait pas une tragédie pour Federer de prendre sa retraite à 40 ans. Ce sera une tragédie, avec des guillemets, pour notre sport, pour ses collègues, il nous manquera beaucoup. Il était une idole pour notre génération, une beauté sur et en dehors du terrain un homme très civilisé, avec du bon sens, chaleureux avec tout le monde. Un génie, en ce qui me concerne», a ainsi assez justement résumé Simona Halep.
FEDERER A ENCORE LE FEU SACRÉ EN LUI
Preuve que la retraite de Federer (mais aussi celle de Nadal) inquiète au plus haut niveau de la hiérarchie du tennis mondial, l’ATP a décidé de créer en 2017 le Masters «Next Gen» pour promouvoir une nouvelle génération de joueurs susceptibles de prendre la relève. Si remplacer un joueur de la trempe de Federer n’est évidemment pas simple, il faut se souvenir que l’ATP se faisait déjà un sang d’encre il y a vingt ans quand Pete Sampras, vainqueur de 14 tournois du Grand Chelem, était sur le déclin. La fin de règne de l’Américain avait été actée après sa défaite dans son jardin de Wimbledon en 2001 contre un certain… Roger Federer. Mais Sampras avait tout de même réussi sa sortie en remportant le dernier tournoi du Grand Chelem auquel il a participé. C’était à l’US Open en 2002. Federer tentera sans doute de l’imiter à sa manière en tentant de claquer un neuvième et dernier Wimbledon avant de prendre une retraite bien méritée.
Il faut être lucide, le retraite du Suisse le plus célèbre de l’histoire pourrait devenir une réalité dès 2021. Certes, son forfait pour l’Open d’Australie 2021 ne suscite pas vraiment d’optimisme. On ne se remet pas de deux opérations au genou à 39 ans comme on aurait pu s’en remettre dix ou vingt ans plus tôt. Mais le report de son retour à la compétition, c’est aussi le signe que Federer a encore le feu sacré en lui et qu’il ne veut pas faire un retour pour faire de la figuration ou, plus triste encore, pour faire une tournée d’adieu. En effet, il aurait pu parfaitement s’aligner à Melbourne puisque son agent, Tony Godsick, a indiqué qu’il reprendrait la compétition fin février. Cela signifie qu’il pourrait disputer l’Open d’Australie sans être blessé, mais en n’étant pas à 100% de ses capacités physiques. Or on l’a bien vu ces dernières années, Roger Federer joue beaucoup moins de tournois, mais quand il s’aligne, c’est pour gagner. Rien d’autre. Cela fait bien longtemps qu’il ne court plus après l’argent ou la reconnaissance, mais après la gloire. Il ne s’en cache pas, il veut continuer à marquer l’histoire de son sport. Le Suisse a d’ailleurs une sacrée mémoire d’éléphant quand il s’agit d’évoquer des matches disputés ces vingt dernières années…
UNE PAUSE PLUS LONGUE QU’EN 2016
Si voir Federer manquer l’Open d’Australie est forcément une mauvaise nouvelle, le fait qu’il soit décidé à reprendre la compétition dans la foulée en est une bien meilleure. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Tony Godsick indique que le forfait de Federer pour l’Open d’Australie est «la meilleure décision pour lui sur le long terme». Par long terme, il ne faut évidemment pas s’attendre à ce que le Bâlois joue encore au tennis pendant dix ans, mais cela donne une idée de ses ambitions pour l’année qui vient. Et pour cause, en 2021, le Suisse a de quoi faire pour marquer un peu plus l’histoire de son sport… En reprenant fin février, il pourra tranquillement se réadapter au rythme de la compétition et à l’enchaînement des matches, tout en répétant ses gammes pour monter en puissance. Puis viendra la question de participer ou non à la saison sur terre et à Roland-Garros. En 2019, cela ne lui avait pas trop mal réussi puisqu’il avait atteint les demi-finales à Paris, avant d’aller chercher une finale à Wimbledon, où il était passé à un petit point de la victoire… Cet été sera décisif puisque Federer, qui fêtera ses 40 ans le 8 août 2021, prévoit de participer à Wimbledon et aux Jeux Olympiques, où il court toujours après l’or en simple. Et après, il sera peut-être temps de se préparer à ce qui semble presque impensable aujourd’hui : la vie sans Federer.
Il avait déjà fallu s’y faire en 2016 quand l’Helvète avait tiré un trait sur les Jeux Olympiques de Rio et sa fin de saison. Pendant six mois, la petite balle jaune s’était retrouvée orpheline de son génie suisse. Mais son retour, éclatant, à l’Open d’Australie, avec une victoire mémorable en cinq sets contre Rafael Nadal en finale avait rendu l’histoire encore plus belle. Plus encore après un autre titre à Wimbledon la même année et encore un autre à Melbourne en 2018. Mais cette fois-ci, cette pause, bien plus longue, sera la dernière et Roger le sait parfaitement. Dans ce contexte, il ne veut surtout pas rater la toute dernière partie de sa carrière. Le défi ne sera pas simple avec ses rivaux historiques, Nadal et Djokovic, qui veulent battre son record de titres en Grand Chelem (Nadal l’a déjà égalé à Roland-Garros), et les ambitieux Thiem, Medvedev, Tsitsipas et Zverev. Mais Federer a pris l’habitude de nous surprendre depuis tant d’années… Alors qu’il nous surprenne une dernière fois.
LE TENNIS A TOUJOURS SURVÉCU À SES STARS
Après ce dernier «run», il sera alors temps de refermer un chapitre de plus de vingt ans, marqué par des exploits plus ahurissants les uns que les autres, des coups de génie et des résurrections dont lui seul a le secret. Le jour de la retraite de Federer se rapproche jour après jour comme une effroyable fatalité. Ce jour est évidemment redouté par ses fans, mais aussi pour l’ensemble des acteurs de la petite balle jaune, notamment les tournois, les diffuseurs et l’ATP, qui bénéficiaient d’une belle publicité avec le Suisse. Mais il faudra s’y résoudre…
Le tennis a jusque-là toujours survécu à ses stars, de Rod Laver à Pete Sampras, en passant par Björn Borg, John McEnroe, Mats Wilander, Boris Becker ou encore Ivan Lendl. Cela continuera, à condition que ce sport sache stopper la folie absurde de vautours qui veulent dénaturer le tennis pour en faire un produit marketing sans âme. Regardez ce qu’ils ont fait de la Coupe Davis… Il faudra donc faire attention, sous peine de plonger le tennis dans une crise gravissime. Mais Roger Federer a déjà préparé l’héritage qu’il laissera à son sport, notamment avec la création de la Laver Cup et l’idée d’une fusion entre l’ATP et la WTA. Le Suisse compte d’ailleurs peser de tout son poids dans les décisions de l’ATP jusqu’à la fin de sa carrière, comme en témoigne sa réélection au conseil des joueurs jusqu’en juin 2022. Faut-il y voir la date de sa retraite ? Toujours est-il qu’elle coïncide avec celle de Wimbledon, le tournoi du Grand Chelem qui l’a fait connaître aux yeux du monde entier. Sera-t-il celui où il réalisera un dernier coup d’éclat ? Roger a certainement une petite idée dans un coin de sa tête…