«Je ne vais pas leur laisser la place facilement, ils ont encore beaucoup de travail.» Cette phrase lancée par Novak Djokovic à propos de la «Next Gen» pouvait paraître arrogante. Avant sa finale de l’Open d’Australie contre Daniil Medvedev, le n°1 mondial a voulu faire une mise au point. Après la démonstration de force du Serbe ce dimanche, force est de constater que le «Djoker» avait raison. A l’issue d’une véritable correction, Djokovic vient de décrocher une 18ème couronne en Grand Chelem, la 9ème aux antipodes. La course avec Roger et Rafa n’est pas encore terminée…

Une série devait s’arrêter à l’issue de cette finale. A Melbourne, la confiance accumulée par Daniil Medvedev lors de ses 20 victoires de rang se frottait à l’invincibilité de Novak Djokovic en finale de l’Open d’Australie. Pour arriver jusque-là, le Russe n’avait quasiment pas connu le moindre problème. Hormis une petite alerte face à Filip Krajinovic et une victoire en cinq manches à mi-parcours, Medvedev avait déroulé et s’était offert un costume d’adversaire n°1 qui semblait lui aller comme un gant. Surtout, entre sa fin de saison tonitruante, avec notamment une victoire contre Djokovic au Masters, et une série de 12 victoires consécutives face aux membres du Top 10, le 4ème joueur au classement ATP, qui sera d’ailleurs n°3 dès lundi, faisait figure d’épouvantail au moment d’entrer sur la Rod Laver Arena. Ce qui n’était pas le cas de son adversaire du soir, de quoi remettre en question le statut de favori du patron du circuit… Rien que ça !

UN TOURNOI EN DENTS DE SCIE

Pourtant, la quinzaine du Serbe avait démarré pied au plancher avec une mise en route tranquille contre Jérémy Chardy. Un premier vrai test face à Frances Tiafoe et un premier set laissé en route plus tard, le début de tournoi de Novak Djokovic s’est encore compliqué. Face à Taylor Fritz, après deux sets accrochés mais finalement tombés dans l’escarcelle du n°1 mondial, c’est l’angoisse qui a gagné le clan serbe. Sur une glissade mal maîtrisée, le «Djoker» s’est fait mal aux abdominaux. Dans le silence assourdissant du couvre-feu, instauré à Melbourne pour cinq jours et qui a vu les spectateurs être évacués en plein match, Djokovic s’en est finalement sorti en cinq manches, un miracle pour celui qui expliquera après le match : «Je ne sais pas si je serai sur le court (pour son huitième de finale). Je suis très fier, mais aussi inquiet. C’est une blessure sérieuse», avant d’évoquer une possible «déchirure» aux abdominaux.

Finalement, il s’est présenté sur le court et s’est imposé contre Milos Raonic, sous anti-inflammatoires tout de même. Toujours pas rassuré après sa victoire en quatre sets face à Alexander Zverev en quarts de finale, le Serbe a profité d’une demi-finale improbable face au qualifié russe Aslan Karatsev pour se refaire une santé. «Je n’ai ressenti aucune douleur», commentera même le n°1 mondial à l’issue de sa qualification facile en trois manches. De quoi se rassurer quant à sa capacité à défendre ses chances dans son jardin, et laisser tous les amoureux de la petite balle jaune saliver à l’annonce d’un gargantuesque repas.

DAVID PERDU FACE À GOLIATH

Ce sera finalement du fast-food au menu. Face au futur 3ème joueur mondial, on promettait au Serbe un farouche combat. Mais d’affrontement, il n’y en a pas (presque) pas eu. Pourtant, Medvedev a donné du fil à retordre au maître des lieux. Malheureusement, ça n’a pas duré. A peine plus d’un set exactement, le temps que le «Djoker» écœure le Russe et débreake immédiatement en début de deuxième manche. Frustré notamment par la qualité de retour de son adversaire, Medvedev s’est crispé et Djokovic a déroulé.

Incapable de se remobiliser après une deuxième manche difficile, le Russe a complètement explosé mentalement dans le troisième et dernier set. La marche était bien trop haute pour le protégé du Français Gilles Cervara. Il aura finalement fallu moins de deux heures au Serbe pour remporter sa 9ème couronne à Melbourne. Une victoire bâtie avant tout sur le service de son adversaire.

UN RETOURNEUR HORS-PAIR

S’il y a bien un domaine dans lequel Djokovic n’a plus rien à prouver, c’est sur les jeux de retour. Le Serbe est un des meilleurs retourneurs du monde, si ce n’est le meilleur. Il l’a encore prouvé dans la nuit australienne ce dimanche. 7 breaks (!) obtenus, 68% de points gagnés derrière la seconde balle de Medvedev, les statistiques du Serbe sur le service du Russe sont impressionnantes. Dans la manière, il l’était tout autant. Car non seulement «Nole» retourne tout, mais il le fait bien. La longueur de balle et la précision de ses remises en jeu sont une des qualités premières du Serbe, si ce n’est son atout principal.

En finale, ce fut la pièce maîtresse de son jeu, par ailleurs assez similaire à celui de Daniil Medvedev. Face à des balles qui reviennent sans cesse, le Moscovite, qui n’avait encore jamais vécu cette situation durant le tournoi, n’était pas prêt à composer avec cette donnée, et c’est certainement ce qui lui a fait défaut. Plus globalement, ce duel a révélé ce qui sépare encore la meute de jeunes loups du trio infernal (Federer, Nadal et Djokovic) qui continue d’écrire son histoire sur les trophées majeurs du tennis mondial.

D’UNE PRESQUE REMONTADA À UNE LEÇON, IL N’Y A QU’UN PAS

Le «Big 3» vacille, à tour de rôle, mais tient bon. L’heure du chant du cygne n’a pas encore sonné. «Ils vont devoir se donner à fond s’ils veulent venir nous chercher», disait Djokovic avant sa finale. Difficile de lui donner tort. Daniil Medvedev le sait mieux que quiconque. Deux finales de Grand Chelem à son actif, et deux défaites. Certes, disputées contre deux «cyborgs du tennis» (Nadal et Djokovic) comme les nomme l’intéressé, mais la déception est de mise pour le natif de Moscou. Il y a un an et demi, lorsque le Russe a atteint sa première finale de Grand Chelem, à New York, c’est Rafael Nadal qui se dressait face à lui. Et il était passé tout près du titre après avoir été mené deux manches à rien. Frustrant, comme souvent face à ces légendes vivantes…

Après un tournoi ayant révélé sa tendance à s’énerver, ce qui avait déplu au public de Flushing Meadows, Medvedev avait puisé dans les sifflets des spectateurs une énergie hors-normes. En finale, il s’était alors réconcilié avec les fans venus voir une opposition qui aurait bien pu tourner court. Mais ce soir-là, Medvedev était habité. Grâce à une folle remontée jusqu’au cinquième set décisif, le Russe avait poussé Nadal dans ses retranchements, se rabibochant par la même occasion avec le public du court Arthur-Ashe. On pouvait donc espérer que Novak Djokovic soit autant bousculé que l’Espagnol, si ce n’est davantage. Seulement voilà, face à Medvedev à Melbourne en ce début d’année, le Serbe était en mission, malgré la douleur.

Car oui, en dépit des apparences et de ce qui a pu être dit à son sujet, Novak Djokovic souffrait bien d’une déchirure. «Je peux vous le dire maintenant, c’est une déchirure musculaire. Je l’ai sentie tout de suite. Je sentais que c’était cela, à cause du claquement et la façon dont je me sentais après la douleur. Je sais qu’il y a eu beaucoup de spéculations, on disait qu’il était impossible que je récupère aussi vite et je comprends», a confié le n°1 mondial en conférence de presse, avant d’expliquer que c’est son travail acharné de récupération entre les matches qui lui a permis de tenir son rang pendant le reste de la quinzaine australienne.

LA COURSE POURSUITE

Face à une telle détermination, le n°4 mondial a pris une leçon et prouvé qu’il avait encore un long chemin à parcourir pour soulever l’un des quatre Majeurs. Il en a bien conscience et il est déjà prêt à retourner au travail. C’est peut-être en partant de là que Daniil Medvedev franchira la marche qui le sépare du palmarès auquel il aspire. Ce duel des générations n’en est qu’à ses balbutiements.

Avec ce 18ème sacre en Grand Chelem, Novak Djokovic revient sur Roger Federer et Rafael Nadal (20 titres chacun) au tableau des vainqueurs de Grand Chelem, lui qui est déjà assuré de dépasser Federer au nombre de semaines passées à la tête du classement ATP (310 semaines pour le Suisse, 311 à la mi-mars pour le Serbe). Il quitte son jardin avec un titre supplémentaire et tentera d’en glaner un autre dans un jardin lui aussi bien gardé. Sauf que ce n’est pas le sien mais celui de Rafa, 13 fois couronné sur la terre battue parisienne. A Roland-Garros, le Serbe tentera de réduire encore l’écart et de marquer l’histoire de son sport autant que ses deux plus grands rivaux. Mais ça, c’est une autre histoire.