Hier, Barbora Krejcikova a remporté Roland-Garros. La Tchèque, 33ème joueuse mondiale avant le début du Grand Chelem parisien, était loin d’être favorite. Mais la physionomie du tournoi a progressivement placé la joueuse de 25 ans, si ce n’est comme une prétendante, en grosse cote. Dans un tournoi qui allait de surprise en surprise, Krejcikova a survécu. Le tennis féminin, lui, est sens dessus-dessous.
Le deuxième Majeur de l’année n’avait pas débuté que le tournoi perdait une de ses principales têtes d’affiche. Simona Halep, 3ème joueuse à la WTA, a dû déclarer forfait en raison d’une blessure au mollet gauche. La Roumaine, victorieuse à Paris en 2018 après deux finales perdues Porte d’Auteuil, était une valeur sûre de la saison terrienne. 8 jours avant Roland, une première tête est tombée. Dès le premier tour, quelques noms supplémentaires ont été rayés du tableau. Garbiñe Muguruza, titrée à Paris en 2016, mais aussi Kiki Bertens et Angelique Kerber, ont perdu dès leur entrée en lice. Sans oublier la Canadienne Bianca Andreescu, tête de série n°6, éliminée par… Tamara Zidansek, la révélation de cette rocambolesque édition 2021 de Roland-Garros chez les dames.
LA PREMIÈRE LIGNE N’A PAS PASSÉ LE DEUXIÈME TOUR
La vraie sensation cette année a eu lieu au deuxième tour. Un séisme en deux secousses. La première est venue de l’annonce de Naomi Osaka de se retirer du tournoi. La Japonaise, n°2 mondiale, avait déjà annoncé ne pas vouloir échanger avec les médias durant le tournoi pour «préserver sa santé mentale». Après sa victoire inaugurale ponctuée d’une absence en conférence de presse, la Nippone a été sanctionnée d’une amende de 15 000 $ et menacée d’exclusion par la direction du tournoi. Suffisant pour pousser une des indiscutables favorites à déclarer forfait. Un retrait qui a fait écho à celui de Petra Kvitova. La Tchèque a dû renoncer à participer au deuxième tour après s’être blessée à la cheville… En conférence de presse ! Un triste coup du sort pour la tête de série n°11 du tournoi.
— Petra Kvitova (@Petra_Kvitova) June 1, 2021
Mais la réplique sismique de ce deuxième tour est venue, elle aussi, de l’autre bout du monde. L’Australienne Ashleigh Barty avait montré quelques signes de gêne à la cuisse et la hanche gauche lors de son premier match. La n°1 mondiale, victorieuse à Paris en 2019, a été contrainte à l’abandon dans la seconde manche de son second tour. C’est aussi dès ici que le parcours des Françaises s’arrête. On pensait alors que ce double coup de massue allait profiter à la meute Sabalenka/Kenin/Svitolina, à l’inusable Serena Williams et sa quête d’un 24ème titre du Grand Chelem, ou à Iga Swiatek, tenante du titre. Mais ce n’était que le début.
L’HÉCATOMBE AU TOUR PAR TOUR
Au 3ème tour, c’est Aryna Sabalenka et Elina Svitolina qui ont pris la porte. Hasard du tirage au sort, les 4ème et 6ème à la WTA sont respectivement tombées contre… Anastasia Pavlyuchenkova et Barbora Krejcikova, finalistes ce samedi. En huitièmes, les favorites ont continué à tomber. Sofia Kenin et Serena Williams ont perdu en 2 manches tandis que Victoria Azarenka et Marketa Vondrousova, finaliste il y a deux ans Porte d’Auteuil, ont été boutées hors du Majeur parisien en 3 sets. Iga Swiatek faisait donc figure d’épouvantail dans un tournoi décimé où la tête de série n°8 était la mieux classée des femmes restantes, suivie par la 18ème mondiale (!) seulement. C’est d’ailleurs la Grecque Maria Sakkari qui a revêtu le costume de «favorite» après sa victoire contre la Polonaise. Il faut bien reconnaître que battre la tenante du titre confère un statut, surtout qu’Iga Swiatek n’avait pas perdu le moindre set l’an passé pour être couronnée et qu’elle n’avait pas cédé la moindre manche depuis le début du tournoi. Mais cette année, malheur aux favorites. La preuve avec Tamara Zindansek. La 85ème joueuse mondiale, après avoir sorti Andreescu au premier tour, a poursuivi sur sa lancée et n’aura éliminé que des joueuses mieux classées qu’elle pour rejoindre le dernier carré Porte d’Auteuil. Un stade de la compétition encore jamais atteint par une Slovène en Grand Chelem.
UNE DERNIER CARRÉ INÉDIT
Zidansek, une «anomalie» ? Non, cette année, c’était tout simplement normal. Car pour l’accompagner en demi-finale, trois autres néophytes se sont qualifiées. Maria Sakkari donc, qui devenait, elle aussi, la première de son pays à rallier le dernier carré d’un grand Chelem. Mais aussi Barbora Krejcikova, spécialiste du double qui n’avait encore jamais passé les huitièmes en simple en Majeur. Enfin la plus «expérimentée», Anastasia Pavlyuchenkova, qui avait échoué lors de ses 6 premières tentatives en quart de finale, a su briser son plafond de verre. Difficile de prédire au début du tournoi que les demi-finales seraient réservées à de nouvelles têtes. Au bout du compte, l’affiche de la finale était aussi inédite qu’inattendue, entre la 32ème joueuse mondiale et… La 33ème ! Imaginez un duel entre Ugo Humbert et Taylor Fritz chez les hommes, et vous voilà avec l’équivalence masculine. Sans leur manquer de respect, cela semble plus qu’improbable. Mais pour la WTA, ce mot n’existe pas. Tout peut arriver, c’est aussi ce qui fait son charme. Hier, les deux finalistes ont fini d’écrire une page imprévue du tennis féminin.
KREJCIKOVA, À L’EXPÉRIENCE
La Tchèque, déjà titrée en double à Paris en 2018, a pris le match par le bon bout. Très vite, Barbora Krejcikova a fait le break pour s’envoler au score, face à une Russe nerveuse et imprécise. En 30 minutes, Pavlyuchenkova a encaissé un 6-1 que l’on pensait alors difficile à remonter. Mais dans le deuxième acte, la tendance s’est complètement inversée. «Nasta» s’est mise à tout mettre dans le court tandis que Krejcikova s’est crispée et a beaucoup raté. 6-2 pour la Russe, tout était à refaire. Le troisième set a été le plus équilibré des trois. Mais c’est bien la Tchèque qui a pris le jeu à son compte, en témoignent ses 14 coups gagnants et ses 11 fautes directes, contre 6 frappes décisives et 4 erreurs réalisées par la Russe. Sur sa quatrième occasion, Barbora Krejcikova a pu lever les bras, sacrée pour la première fois en Majeur à 25 ans (6-1, 2-6, 6-4). La Tchèque s’est même payé le luxe aujourd’hui de réaliser un exceptionnel doublé en remportant le double avec sa compatriote Katerina Siniakova, une victoire tranquille 6-4, 6-2 contre Iga Swiatek et Bethanie Mattek-Sands. Une performance inédite depuis l’édition 2000 et les deux titres glanés par Mary Pierce. Une autre époque !