Il n’aura connu que trois courts Porte d’Auteuil. Le Chatrier, évidemment, le Lenglen, de temps en temps, et feu le court n°1. Une seule fois, pour son tout premier match à Paris. Depuis, le temps est passé et l’Espagnol a construit son mythe, plutôt 12 fois qu’une. Mais cette victoire, lors de sa toute première participation, tient une place toute particulière dans l’accomplissement herculéen de Nadal. A seulement 19 ans et 2 jours, le taureau de Manacor se présente ce dimanche 5 juin 2005 sur le court Philippe-Chatrier pour tenter de soulever son premier titre du Grand Chelem, après avoir survolé la saison sur ocre. 48 heures plus tôt, il s’offrait un cadeau d’anniversaire majuscule, le scalp du n°1 mondial, un certain Roger Federer.

UN ADVERSAIRE DÉTONNANT

Pour l’empêcher de gravir l’ultime marche, se dressait devant lui Mariano Puerta. L’Argentin de 26 ans a difficilement remporté son quart puis sa demie, étant à chaque fois mené deux sets à un. Sur le papier, l’opposition intrigue. Comment Puerta, convaincu de dopage deux ans plus tôt, suspendu et remonté à une relativement modeste 37ème place mondiale, abordera-t-il cette finale ? L’enjeu d’un Grand Chelem rattrapera-t-il un Nadal en pleine bourre ? L’Espagnol n’est pas impressionné pour un sou. «J’ai (…) l’expérience de la finale de la Coupe Davis l’année dernière. La pression y était énorme. Je ne pense pas qu’on puisse connaître une pression plus grande que ça», déclarait l’intéressé avant d’aborder cette ultime confrontation de la quinzaine.

Après plus d’une heure d’un combat intense et équilibré, Nadal perdra la première manche en laissant le sentiment d’être au-dessus de son adversaire. Une impression qui se vérifiera largement dans les deux sets suivants, glanés par le Majorquin (6-3, 6-1) aussi rapidement qu’il aura perdu le premier. On soulignera au passage le toucher exceptionnel de Rafa, dont les amorties tranchantes et bien masquées auront fait aussi mal à Puerta que son coup droit lasso dévastateur. La troisième manche offerte par Puerta sur une double-faute aurait pu faire plonger le mental de l’Argentin. Il n’en sera rien. Le voilà reparti de plus belle, combatif et déterminé à ne pas se laisser impressionner par ce gamin espagnol de l’autre côté du filet.

UNE DÉTERMINATION SANS FAILLE

L’Argentin prend le service de son adversaire au meilleur moment, à 4-4 au quatrième set, et sert alors pour revenir à hauteur de son adversaire et ainsi s’offrir le droit de disputer une manche décisive. Mariano Puerta peut même commencer à rêver quand il mène 40-15 sur son service… Mais à cet instant, Rafael Nadal affiche au grand jour ce qui sera l’une de ses plus grande forces dans sa carrière : son abnégation. Sa solide défense écœure son adversaire. Puerta, à terre après une volée plongeante qui restera dans la bande, ne se relèvera pas de son occasion manquée et n’inscrira plus un jeu. La messe est dite et, sur un dernier coup droit qui s’envole, l’Argentin s’incline. Rafael Nadal est bel et bien le nouveau maître des lieux après 3h24 d’un combat acharné.

Cette première victoire à Paris, Nadal l’avait peut-être acquise dès sa victoire face au Suisse en demie-finale. Encore fallait-il confirmer ce que tout le monde voyait en lui. «Avec cette victoire, il entre déjà dans l’histoire. Il va devenir une légende», Mariano Puerta ne croyait pas si bien dire. Il avait pourtant mis toutes les chances de son côté, même les moins reluisantes. Contrôlé une nouvelle fois positif à l’étiléfrine, un stimulant cardiaque luttant contre l’hypotension, au soir de la finale, l’Argentin sera suspendu huit ans. Finalement réduite à deux ans, la sanction sonna le glas de la carrière de Puerta. Ce 5 juin 2005 annoncera en revanche le début d’un règne sans partage (ou presque) sur la terre battue parisienne du Majorquin dont le terme n’est, aujourd’hui, toujours pas connu.