Depuis sa défaite contre Federer aux portes de la finale l’an passé, Novak Djokovic met un point d’honneur à écraser la concurrence, sans exception. Pour laver l’affront, le Serbe ne fait pas les choses à moitié. Il reste sur une série de 20 matches sans défaite. Plus impressionnant encore, il est le tenant du titre des trois autres tournois du Grand Chelem. Face à lui en quarts de finale, Jo-Wilfried Tsonga a fort à faire. Au tour précédent, le Manceau s’est montré très solide face à Stan Wawrinka. Il a su résister au retour du Suisse pour finalement se qualifier en cinq manches et rejoindre Djokovic. De son côté, le «Djoker» s’est difficilement débarrassé du métronome italien Andreas Seppi. Le mois dernier, à Rome, le n°1 mondial a balayé le Français qui aura tenu un set avant de s’écrouler, 7-5, 6-1. Tsonga est loin d’être favori mais l’appui du Central de Roland pourrait bien rebattre les cartes de ce duel. 

COMME UN DIESEL

Enfin ça, c’est si Jo le décide parce que pendant 35 minutes, il est inexistant. Le serbe déroule, 6-1, 3-1, on s’approche lentement mais sûrement d’une fessée mémorable. C’est à ce moment précis que le Manceau choisit de se réveiller et de laisser la paralysie de l’enjeu derrière lui. Il monte en intensité, met beaucoup plus de poids dans ses frappes et réchauffe l’ambiance d’un Chatrier jusque-là glaciale ou presque. Les milliers de fans n’attendaient que lui pour s’enflammer, les voilà servis. Jo-Wilfried Tsonga recolle puis passe devant (6-5) avant de mettre une énorme pression sur le jeu de service du Serbe. Ce dernier finit par craquer et les compteurs sont remis à zéro. Le match est en train de basculer dans une nouvelle dimension, celle propre aux combats que l’on n’est pas prêt d’oublier. 

Les frappes se tendent progressivement, aucun joueur ne lâche rien. A cinq jeux partout dans la troisième manche, d’un superbe contre en demie-volée de revers filant le long de la ligne, Nole mène 0-30 sur le service de Jo mais se désunit au moment de passer devant. Un coup droit dans le filet, un revers qui s’envole derrière la ligne et une volée haute de revers dans le couloir privent Djokovic d’un avantage décisif.  Tsonga tient bon et c’est à lui que se présente l’opportunité de conclure le set. Après un long rallye de fond de court, le «Djoker» pense faire le plus dur en baladant son adversaire et monte à la volée. Le premier passing du Français, le long de la ligne en revers, est bien tiré. La volée difficilement tenue du Serbe permet au Manceau de conclure sur un passing croisé mi-court, en coup droit. Le public se lève et l’acclame, Jo mène deux sets à un face à un n°1 mondial dont le regard désabusé traduit la frustration. Le diesel Tsonga étouffe la Ferrari Djokovic. 

DU BOUT DES DOIGTS

L’ exploit est à portée de raquette mais sous un ciel menaçant, le plus dur reste à faire pour un des chouchous du public de la Porte d’Auteuil. Chacun reste maître de son service dans cette quatrième manche et, pour mener 5-4, Tsonga envoie un ace extérieur. Pas besoin d’être fan de tennis pour frissonner en voyant la standing ovation des 15 000 personnes présentes autour du court. Au moment de servir pour rester dans le match, le coup droit penalty de Novak Djokovic touche la bande, la balle sort des limites du terrain. On aura rarement entendu une telle clameur sur une faute directe. 15-40, deux balles de match pour le Français qui touche au but. Djokovic serre les dents et se montre solide pour les sauver. Désormais, les estomacs sont noués, l’atmosphère devient lourde de plusieurs tonnes supplémentaires. Le Manceau gagne son jeu de service et virevolte en défense pour se procurer une nouvelle balle de match d’un passing court croisé de revers. La première balle de Nole, à 152 km/h seulement, ne passe pas et le Central retient son souffle. La seconde est timide, Jo prend l’avantage dans l’échange mais son puissant coup droit long de ligne reste dans la bande sous les cris d’un Chatrier pétrifié d’angoisse. 

En frappant le même coup droit, croisé cette fois, il s’en offre une quatrième. Il va le faire, c’est écrit, leur duel ne peut pas finir autrement. Mais à nouveau Djokovic la sauve, d’un smash, après un échange maîtrisé cette fois. Il remporte sa mise en jeu et pousse Tsonga dans un tie-break de tous les dangers. La nervosité rattrape le Français au pire des moments. Il laisse ce quatrième set à son adversaire sur sa deuxième balle de set . Le «Djoker» gagne le jeu décisif 8-6 et revient à deux sets partout. Pour Jo-Wilfried Tsonga, c’en est trop. Sa chance est passée. Djokovic se fait un plaisir de le mettre au supplice dans le cinquième set. Le n°1 mondial s’impose finalement 6-1 face à un Tsonga épuisé, qui ne pourra contenir ses larmes une fois sa chaise regagnée. Le Manceau a tutoyé les étoiles.

Dur retour sur terre, battu.