En 2012, Jo-Wilfried Tsonga avait quitté le court Philippe-Chatrier meurtri après une défaite plus que cruelle contre Novak Djokovic en quarts de finale. Le Manceau avait frôlé l’exploit en s’offrant quatre balles de match… mais cela n’avait pas suffi. De retour au même stade de la compétition sur le même court l’année suivante, le Français va devoir encore franchir une montage s’il veut accéder au dernier carré de Roland-Garros pour la première fois de sa carrière. Et pour cause, il doit tout simplement écarter Roger Federer de sa route pour continuer à rêver d’un sacre sur la terre battue parisienne, 30 ans après Yannick Noah, dernier Français à être parvenu à soulever la Coupe des Mousquetaires.
Avant cette rencontre, le bilan des Bleus contre Federer à Roland-Garros est terrible : 10 défaites en autant de rencontres. Durant l’édition 2013 du Grand Chelem parisien, l’Helvète en a d’ailleurs déjà battu deux avant de retrouver Jo-Wilfried Tsonga. Si Julien Benneteau a été facilement expédié au troisième tour, Gilles Simon était bien parti pour mettre fin à la disette française face au Suisse Porte d’Auteuil. Mais le Niçois, qui n’était qu’à un set d’un exploit retentissant sur l’ocre parisien, a finalement craqué en cinq sets. Se présente alors un Jo-Wilfried Tsonga qui se porte à merveille dans ce Roland-Garros.
BATTRE FEDERER EN GRAND CHELEM, TSONGA SAIT FAIRE
Avec aucune manche perdue sur la route des quarts de finale, il aborde son duel contre Federer dans les meilleures dispositions. De plus, il a déjà affronté le Suisse cette année. C’était à l’Open d’Australie et le Manceau n’avait rendu les armes qu’à l’issue du cinquième set. De quoi lui donner de solides raisons d’espérer quelques mois plus tard à Roland-Garros. De plus, le Français a déjà battu à plusieurs reprises le Bâlois. Il s’est même payé le luxe de devenir le premier homme à battre Federer en Grand Chelem après avoir été deux manches à rien. C’était en 2011 à Wimbledon, le jardin du maître suisse. Malgré une finale à Rome, ce dernier n’est d’ailleurs pas au mieux dans cette saison 2013, qui deviendra un calvaire pendant l’été avec une défaite très douloureuse au deuxième tour de Wimbledon contre le 116ème mondial, Sergiy Stakhovsky. Mais avant cet été noir, le Suisse vise face à Tsonga une huitième demi-finale à Roland-Garros. Il n’en verra jamais la couleur…
Plus que le scénario du match, à sens unique, c’est la manière qui impressionne. En effet, Jo-Wilfried Tsonga se montre quasiment intouchable du début à la fin de la rencontre. Bien loin de la fébrilité qui avait pu le gagner l’an passé contre Novak Djokovic, le Français n’a cette fois laissé aucune chance à Roger Federer. Appliqué et engagé, il a réussi à tuer le match. Chose que Gilles Simon, deux jours plus tôt, n’avait pas su faire alors qu’il menait deux manches à une contre le Suisse. C’est pourtant ce dernier qui a réussi un meilleur départ dans ce match en breakant le premier. Mais ce break inaugural a eu le mérite de réveiller Tsonga qui a mis dans la foulée davantage de pression sur le service du Suisse. Stratégie payante puisque le Manceau parviendra à faire le break deux fois dans le premier set, s’évitant même de disputer un tie-break (7-5).
UN MATCH À SENS UNIQUE POUR S’OFFRIR LE DROIT DE RÊVER 30 ANS APRÈS NOAH
Avec un break d’entrée dans le deuxième set, Tsonga a assommé un peu plus un Federer impuissant qui ne parviendra même pas à se procurer une balle de break dans cette seconde manche. Cette dernière facilement en poche, il ne restait alors qu’à finir le travail pour le Manceau. Dans ce sens, il a d’ailleurs eu la bonne idée de prendre d’emblée le service du Suisse dans la troisième manche. Un break fatal ? Pas si vite… Faisant parler son orgueil de champion, Federer a recollé aussitôt. Véritable tournant ou simple alerte ? Ce sera finalement une petite alerte pour un Tsonga impérial, qui après quelques minutes de crispation, sûrement inhérentes à la pensée d’une première demi-finale à Roland-Garros, a totalement retrouvé ses esprits et son jeu pour porter le coup de grâce. Après un break pour se détacher à nouveau, le Français s’est ainsi permis de récidiver pour conclure sur le service du Suisse. Ce Tsonga-là était bien trop fort pour Federer. «Je pense qu’il était meilleur que moi tout simplement. Il a mieux retourné que moi, mieux servi que moi», admettra le Suisse après la rencontre. Et d’ajouter : «Pour le public, j’espère que Jo ira au bout.»
30 ans après le sacre de Noah, le symbole aurait été magnifique en effet. Mais le rêve de Tsonga prendra fin de manière aussi brutale que décevante lors de sa demi-finale face à David Ferrer. Sur le papier, le Français paraissait avoir une belle carte à jouer pour aller en finale du Grand Chelem parisien. Dans les faits, il est passé totalement à côté de son sujet contre l’Espagnol. Très nerveux, le Manceau a en effet arrosé les quatre coins du court. A la clé, une défaite sèche en trois sets. Le rêve est passé. Après le match, Yannick Noah a estimé que le public parisien, peu nombreux en début de rencontre après un combat d’anthologie entre Nadal et Djokovic, était responsable de la triste prestation du Français. «Jo a joué son premier set en terrain neutre. Un peu comme une équipe de foot dont le stade est suspendu et qui joue à huis clos. Un scénario inimaginable avec Murray à Wimbledon ou Hewitt à l’Open d’Australie. Peut-être que nous ne sommes pas prêts à gagner. Jo n’a pas perdu, nous avons perdu ensemble», écrira ainsi le dernier vainqueur français de Roland-Garros dans les colonnes du Monde. Pas totalement faux, mais pas complètement vrai non plus.