Journée très étrange à Roland-Garros ce mercredi. La déconfiture se poursuit pour le tennis français, malgré un Pierre-Hugues Herbert qui est passé tout près de l’exploit contre Alexander Zverev. Le dernier représentant masculin dans le clan tricolore n’est autre qu’Hugo Gaston, modeste 239ème mondial à 20 ans. Par ailleurs, entre un avion de chasse qui a perturbé les joueurs quelques secondes, le forfait de Serena Williams, et surtout, un match complètement surréaliste entre Sara Errani et Kiki Bertens, cette journée a été plus qu’improbable du côté de la Porte d’Auteuil.

SERENA, LA DÉTONATION INATTENDUE

Serena attendra. L’Américaine, en quête depuis trois ans maintenant de son 24ème Majeur, devra patienter encore un peu pour rentrer un peu plus dans l’histoire. Battue en demi-finale à l’US Open, Serena Williams était alors légèrement blessée au tendon d’Achille. Une blessure qu’elle aura traînée jusqu’à Paris.

Lors de son premier tour déjà, la protégée de Patrick Mouratoglou avait semblé en délicatesse avec ses appuis. Face à Kristie Ahn, elle avait subi pendant presque un set avant de s’en sortir 7-6 (2), 6-0. Mais la douleur, encore trop présente, a forcé Serena Williams à jeter l’éponge avant même d’entrer sur le court. L’annonce choc de son forfait a surpris tout le monde. Mais comme toujours, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Et à ce petit jeu, c’est Tsvetana Pironkova, la Bulgare, qui en profite. Au troisième tour, elle affrontera  la Tchèque Krejcikova qui s’est débarrassée de sa compatriote Barbora Strycova, pourtant tête de série n°32, en trois manches et 2h45 de jeu.

ERRANI-BERTENS, AU BOUT DE L’IRRÉEL

Certaines choses nous dépassent. Le match entre Sara Errani et Kiki Bertens en fait partie. Bienvenue dans un monde parallèle. D’abord, l’Italienne a mené, puis a servi pour le set. C’est là que tout a vraiment commencé. A 5-4 pour elle, Errani a vécu l’enfer au service. Incapable de lancer sa balle, avertie deux fois pour avoir mis trop de temps à servir, la Transalpine s’en est trouvée réduite à tenter un service à la cuillère. Le tout pour se faire très logiquement débreaker. Mais elle a breaké de nouveau et, à 6-5, rebelotte. Une nouvelle parodie de service plus tard, Errani a vu le set lui échapper. Si tout s’était arrêté là, ce match ne serait pas rentré dans le Panthéon de l’étrange à Paris. Car l’ancienne finaliste Porte d’Auteuil ne l’entendait pas de cette oreille…

Après avoir pris le meilleur sur Kiki Bertens dans le deuxième set, les deux femmes se sont disputées une ultime manche absolument irrationnelle. Entre une fébrilité extrême, des services offerts (il y a eu 24 breaks durant le match !) et des coups balancés, la Néerlandaise et l’Italienne ont fait durer le suspense bien plus que de raison. Pourtant, on était encore loin du point d’orgue, une fois le match terminé.

Sur la balle de match, Kiki Bertens s’est écroulée de soulagement. Après 3h11 d’un combat mental dantesque, la Néerlandaise venait enfin de se qualifier pour le troisième tour. Sans un regard, sans un signe et sans saluer son adversaire, Sara Errani est alors sortie du court. Au moment de quitter le terrain, l’Italienne a craqué et laissé échapper un «vaffanculo» dont la traduction n’était pas nécessaire pour en saisir le sens. Une insulte qui n’était pas destinée à la Néerlandaise a assuré après le match la finaliste de l’édition 2012. De toute manière, Bertens avait autre chose à penser à cet instant. En effet, la tête de série n°5 est sortie du terrain en … fauteuil roulant ! La raison ? Perclue de crampes, Kiki Bertens était tout simplement incapable de marcher.

Totalement tétanisée, presque paralysée sur sa chaise, elle a même fait résonner un déchirant cri de douleur lorsque quelqu’on a osé toucher l’une de ses jambes. Après cet épisode, Kiki Bertens a eu le malheur de croiser Sara Errani au restaurant, grave erreur. La Transalpine n’a pas hésité une seule seconde en conférence de presse et a balancé sur son adversaire du jour : «Elle a fait un match extraordinaire, elle jouait très bien, mais je n’ai pas beaucoup aimé la situation : au bout d’une heure elle semblait être blessée et elle a cessé de courir. Cela ne m’a pas plu. Elle a quitté le court sur une chaise roulante, mais là, tout va bien, elle est dans les vestiaires, elle va au restaurant… Ce genre de comportement ne me plaît pas.» Voilà qui a le mérite d’être clair….

LES FAVORIS ASSURENT

Pendant que les deux joueuses vivaient un véritable mélodrame, certains étaient pressés. C’était le cas du maître des lieux, Rafael Nadal. L’Espagnol n’est pas passé par quatre chemins pour venir à bout de son adversaire du jour, l’Américain Mackenzie McDonald. Dans un match à sens unique, le n°2 mondial a infligé une correction mémorable 6-1, 6-0, 6-3, en 100 minutes tout pile. Nadal avait-il besoin de se rassurer ? Il a fait ce qu’il fallait pour. Le Majorquin en a profité pour faire passer un message.

Si vous voulez tenter un service à la cuillère, attendez-vous à ce qu’il revienne, et vite.

Presque en même temps que lui, son ennemi n°1, celui qui semble le plus à même de stopper Rafa dans la quête d’un ahurissant 13ème titre à Paris, jouait aussi. Sur le court Suzanne-Lenglen, Dominic Thiem a un temps copié à la perfection le roi de la terre. Opposé à Jack Sock, l’Autrichien a lui aussi empoché la première manche 6-1, en 25 minutes. On a un temps cru que les deux meilleurs joueurs sur terre battue se suivraient au score. Jack Sock a finalement opposé une résistance bien plus coriace au natif de Wiener Neustadt dans le troisième set. Presque 40 minutes de plus passées sur le court par l’Autrichien pour finalement s’imposer 6-1, 6-3, 7-6, non sans avoir sauvé trois balles de set au passage dans la dernière manche. 

Le troisième homme fort de l’ocre cette année, Diego Schwartzman, a lui aussi déroulé face à Lorenzo Giustino. Tombeur de Corentin Moutet en plus de six heures au tour précédent, l’Italien a bien tenté de tenir, mais il n’a jamais vraiment inquiété le petit Argentin. Au final, la tête de série n°12 s’est imposée 6-1, 7-5, 6-0. Stan Wawrinka a lui aussi fait la loi sur le court, avec un peu moins de facilité néanmoins. Le Suisse, tombeur de Köpfer en quatre manches, s’est montré assez convaincant. Interrompu en début de match par un bruit assourdissant ressemblant à une explosion, qui s’est avéré être en réalité un avion de chasse ayant passé le mur du son, le match aurait pu prendre une étrange tournure. 

Mais le Suisse et l’Allemand, très vite mis au courant de l’origine réelle du bruit par l’arbitre, ont pu reprendre rapidement le fil de leur partie. Fort de sa victoire probante face à Andy Murray au premier tour, l’Helvète a pu conforter sa bonne forme du moment en s’imposant 6-3, 6-2, 3-6, 6-1. Alexander Zverev, quant à lui, n’a pas eu la partie aussi facile contre Pierre-Hugues Herbert. 

AUX PORTES DE L’EXPLOIT

P2H s’en mord certainement encore les doigts. Très en jambes, bien en place techniquement et soutenu par un public assez nombreux compte tenu des conditions, le Français a failli réaliser un exploit retentissant. Face à l’Allemand, finaliste malheureux le mois dernier à New York, Herbert a très bien entamé son match, menant rapidement un set et un break. Mais à 4-1 dans la deuxième manche, le spécialiste du double a coincé, mentalement certainement. Le temps pour Zverev de faire son retard, enchaîner cinq jeux consécutifs et enlever le deuxième set 6-4.

La «foule» n’a pas lâché le Français pour autant, qui a su répondre présent et est passé à nouveau très près de gagner la troisième manche. Mais encore une fois, il a coincé. Devant quatre points à un dans le jeu décisif, P2H a connu une nouvelle panne sèche qui lui a coûté le set 7-6 (5). Sauf qu’il n’est pas du genre à abdiquer, et Sacha Zverev l’a appris à ses dépens.

Dans une fin de match électrique, le Français a pris le quatrième set à l’Allemand. Rapidement mené 3-0 dans la manche décisive, le spécialiste du double a semblé couler avant de refaire miraculeusement surface. Mais cette énergie du désespoir n’aura duré qu’un temps. Finalement, c’est bien Alexander Zverev qui s’est imposé en cinq sets 2-6, 6-4, 7-6 (5), 4-6, 6-4, et quatre heures de jeu. Même s’il n’a pas démérité, le Français a pris la porte. Comme bon nombre de ses compatriotes. Mardi, le déprimant 1/10 affiché par le contingent français ressemblait au pire. Hier, ce ne fut guère mieux. Seuls deux Tricolores sont passés entres les mailles de cet exigeant deuxième tour. 

UN GARS ET UNE FILLE

Benoît Paire aura eu le mérite de rester à peu près concentré dans son match, insuffisant toutefois pour s’imposer contre le modeste 99ème mondial. L’Argentin Federico Coria, petit frère du finaliste de l’édition 2004, a écarté l’Avignonnais 7-6 (3), 4-6, 6-3, 6-1. Quant à Benjamin Bonzi, il n’a pas eu les ressources pour passer l’obstacle Jannik Sinner, qui a confirmé après sa victoire probante au premier tour contre David Goffin.

Heureusement, il y avait Caroline Garcia, auteure d’une prestation correcte contre la Biélorusse Sasnovich malgré une alerte au genou gauche. La Française a longtemps traîné la patte, avant de revenir à son niveau au meilleur moment, dans le jeu décisif. Dans la deuxième manche, et malgré un jeu de 16 minutes (!), la Lyonnaise a assuré et s’est finalement imposée 7-6 (5), 6-2.

La vraie performance des Bleus est cependant venue d’Hugo Gaston. Le jeune Français a réalisé un match plein pour se débarrasser du Japonais Yoshihito Nishioka, pourtant loin d’être le plus maladroit puisqu’il a sorti Félix Auger-Aliassime au premier tour. Mais Hugo Gaston était prêt à tout pour rejoindre le troisième tour, à l’image de sa balle de match, conclue d’un superbe passing croisé de revers qui est venu s’écraser sur la ligne. Après trois heures de jeu, il l’a finalement emporté 6-4, 7-6 (4), 3-6, 6-2. Face à Wawrinka au prochain tour, le Français sera dans la peau de l’outsider pour un match de gala. 

Pendant que tout ce petit monde jouait, traînait, et perdait du temps, il y en a une qui a semblé pressée. Amanda Anisimova, 19 ans, tête de série n°25 et expéditive. C’est le moins qu’on puisse dire. Lors de son premier tour, elle n’avait passé que 59 minutes sur le court, ne laissant échapper que deux petits jeux en route. L’Américaine a remis ça hier, découpant la pauvre Bernarda Pera, 62ème à la WTA. Sans pitié pour sa compatriote, Anisimova a gagné sur le même score qu’au premier tour, à savoir 6-2, 6-0. Son troisième tour est à ne manquer sous aucun prétexte, puisqu’elle défiera… Simona Halep, victorieuse il y a deux ans Porte d’Auteuil et nº2 mondiale.

Le rendez-vous est pris.