Quand Paul-Henri Mathieu entre sur le court Philippe-Chatrier ce jeudi 31 mai 2012, le trentenaire français est loin d’être dans la forme de sa vie. Il sort d’un très long tunnel bien sombre qui l’a tenu éloigné des courts pendant quinze mois à cause d’une arthrose au genou gauche. Après s’être vu casser des os de la jambe gauche par le chirurgien pour les lui réaligner et avoir tapé d’innombrables balles assis sur une chaise, le Français savoure à Roland-Garros le plaisir retrouvé de jouer au tennis.

En soi, il s’agit déjà là d’une sacrée résurrection pour celui qui est considéré alors comme l’éternel joueur maudit du tennis français, étiquette qui lui colle à la peau depuis ses vingt ans et un triste soir de finale de Coupe Davis en 2002 à Bercy où il a caressé des doigts le Saladier d’argent avant de rendre les armes en cinq sets face au Russe Mikhail Youzhny. De perdant magnifique, comme il le fut à Roland-Garros lors de cette incroyable bataille contre Rafael Nadal en 2006, «PHM» va se muer en 2012 en superbe vainqueur d’un combat d’anthologie contre un certain John Isner, l’homme qui a remporté le plus long match de l’histoire du tennis (11h05) face à Nicolas Mahut deux ans plus tôt à Wimbledon.

AVANT CETTE BATAILLE DE 5h41, «PHM» N’AVAIT PAS DÉPASSÉ LES 2H30 DE JEU DEPUIS SON RETOUR

L’Américain part pourtant avec une sacrée longueur d’avance. Onzième mondial au moment d’attaquer Roland-Garros, il est logiquement le grand favori de cette rencontre du deuxième tour contre le revenant français. De plus, John Isner a des raisons de penser qu’il peut faire quelque chose à Paris, il a atteint la finale d’Indian Wells en mars et s’est surtout offert le scalp de Roger Federer sur terre battue en Coupe Davis en février. Cerise sur le gâteau, il avait poussé Rafael Nadal jusqu’au cinquième set un an plus tôt à Roland-Garros. De l’autre côté du filet, Paul-Henri Mathieu est donc dans une dynamique bien différente. Revenu sur la pointe des pieds dans un tournoi Challenger en Allemagne en janvier alors qu’il n’avait même plus de classement ATP, il s’est progressivement reconstruit au fil des mois. 733ème début février, «PHM» accède au 261ème rang mondial avant d’aborder Roland-Garros.

Avant de débuter son tournoi, le Strasbourgeois déclarait qu’il n’avait pas encore dépassé les 2h30 de jeu, que ce soit en match ou même à l’entraînement, depuis son retour. Son premier tour contre Björn Phau a fait office de sacrée mise en jambes puisque «PHM» a remonté un déficit de deux sets à zéro avant de gagner cinq manches pour se donner le droit de défier John Isner. Contre l’Américain, le Français va entrer carrément dans une dimension parallèle avec un combat titanesque de 5h41. Il s’agit tout simplement du deuxième match le plus long de l’histoire de Roland-Garros après le légendaire marathon de 6h33 entre Fabrice Santoro et Arnaud Clément, en 2004. De plus, les deux joueurs ont battu le record du nombre de jeux (76) disputés dans une rencontre à Roland-Garros depuis l’introduction du tie-break en 1973. Quitte à rentrer dans l’histoire du tennis, autant le faire en vainqueur… Ce n’est pas Isner qui dira le contraire.

«J’AI RÉUSSI À VENGER NICO MAHUT»

Pourtant, les choses avaient bien mal commencé pour «PHM». Malgré de bonnes intentions, le Strasbourgeois a lâché la première manche au tie-break. Mais ce set perdu a réveillé la furie du Français, qui n’a pas tardé à en faire voir de toutes les couleurs à l’Américain… Prenant confiance au fil des jeux, «PHM» va ainsi revenir à hauteur d’Isner et même prendre les commandes de la partie avec des frappes lourdes éparpillées au quatre coins du court. Mais après tant d’efforts et encore peu de matches au compteur après une si longue absence sur le circuit, Mathieu baisse légèrement sa garde dans le quatrième set. Il n’en faut pas plus au bombardier américain pour égaliser à deux manches partout.

C’est alors une cinquième manche d’anthologie qui attend le public de plus en plus bouillant du Chatrier. Insoutenable, le set décisif va pousser les deux hommes bien au-delà de leurs limites. Aussi sublime que dramatique, la rencontre devient encore un peu plus étouffante dans la dernière heure, où chaque point tourne au combat de boxe. Mais c’est bien «PHM», porté par une foule en fusion dans les gradins, qui est le plus entreprenant. Au bord de la rupture, Isner se montre héroïque en sauvant six balles de match, dont trois consécutives à 11-10, deux autres de suite à 15-14 puis une de plus dans le dernier jeu. Mais la septième sera celle de trop pour l’Américain qui finit par rendre les armes sur un dernier coup droit croisé un peu trop forcé. 6-7, 6-4, 6-4, 3-6, 18-16 en 5h41. Monumental.

Épuisé par un «PHM» qui n’a cessé de le faire courir pour lui casser les jambes et le pousser à la faute, Isner, malgré un service, son arme favorite, qui aura claqué 41 aces, est cette fois sorti défait de ce marathon. «J’ai réussi à venger Nico Mahut et j’en suis fier», lâchera «PHM» après le match. Il confiera également avoir joué avec un orteil fracturé, blessure qu’il s’est faite en heurtant un banc quatre jours avant le début du tournoi. Sacré Paulo… Dans ce Roland-Garros 2012, le Français gratifiera le public parisien d’un nouveau marathon en cinq sets au troisième tour, cette fois contre Marcel Granollers. Mais le corps a fini par dire «stop» dans la cinquième manche. «PHM» a bien mérité son repos après une résurrection étincelante Porte d’Auteuil. Sa «deuxième carrière» était lancée.