Seulement trois semaines après la finale de Roland-Garros, le circuit ATP est déjà de retour à Paris. Après la terre battue de la Porte d’Auteuil, c’est sur la surface dure indoor de l’Accor Arena que va se disputer le Rolex Paris Masters, dernier Masters 1000 d’une saison très spéciale. Ce dernier va se dérouler cette semaine dans une atmosphère étrange. Entre l’absence de public, de nombreux forfaits, et des Français vraiment pas gâtés par le tirage au sort, l’heure n’est pas tellement à la fête dans l’Est parisien.
Toutefois, le tournoi aura bien lieu. Et c’est déjà une bonne nouvelle pour la Fédération française de tennis (FFT), qui, après avoir sauvé son tournoi du Grand Chelem, a réussi à maintenir son Masters 1000 dans le calendrier. Jusqu’au bout, Guy Forget, le directeur du tournoi, a espéré qu’il puisse y avoir du public dans les tribunes. Cela semblait même se confirmer ces dernières semaines avec l’autorisation d’une jauge de 1 000 spectateurs par jour dans les travées de l’Accor Arena.
Mais l’instauration d’un couvre-feu dans la capitale française, et surtout le reconfinement national annoncé par Emmanuel Macron il y a quelques jours, ont fait définitivement fondre les derniers espoirs de public dans les gradins. Cependant, ce n’est malheureusement pas la seule mauvaise nouvelle pour les organisateurs et les fans de la petite balle jaune…
DJOKOVIC ET THIEM, ABSENTS DE MARQUE
Comme si cela ne suffisait pas, Novak Djokovic et Dominic Thiem ne feront pas le déplacement. Le premier, qui garde un mauvais souvenir de son dernier passage dans la capitale française avec une correction reçue des mains de Rafael Nadal en finale de Roland-Garros, a en effet décidé de zapper le Masters 1000 parisien, où il est pourtant le tenant du titre.
Le Serbe n’avait en effet rien à gagner à Bercy : il est assuré de conserver le bénéfice des 1 000 points de son titre l’an passé en raison de la réforme du classement ATP engendrée par la crise du coronavirus qui permet aux joueurs de conserver leurs 18 meilleurs résultats entre mars 2019 et décembre 2020. Après un passage éphémère à Vienne, où il a pris la porte de manière spectaculaire en quarts de finale avec une défaite sèche contre Lorenzo Sonego (6-2, 6-1), le «Djoker» veut recharger les batteries avant le Masters de Londres, ultime rendez-vous de la saison. En attendant, il est d’ores et déjà (quasiment) assuré de terminer l’année sur le trône du circuit ATP pour la sixième fois de sa carrière, ce qui lui permet d’égaler le record de Pete Sampras.
Quant à Dominic Thiem, il a préféré se retirer du tableau du tournoi parisien après sa défaite contre Andrey Rublev à Vienne. Touché au pied, l’Autrichien ne veut prendre aucun risque avant le Masters. Et cela peut se comprendre… Libéré d’un poids conséquent depuis son premier sacre en Grand Chelem à l’US Open, il était apparu émoussé physiquement à Roland-Garros, où il avait fini par rendre les armes au terme d’une sacrée bataille de 4h34 contre Diego Schwartzman. Après un premier titre du Grand Chelem, la décompression mentale et physique est plus que normale. Thiem espère en sortir à Londres pour terminer cette année 2020 sur un dernier coup d’éclat fracassant.
UNE COURSE AU MASTERS MOINS PALPITANTE
Si Bercy a pris l’habitude de voir des cadors du circuit l’éviter pour se concentrer sur le Masters, à l’image de Roger Federer ces dernières années, le Masters 1000 parisien offre cependant un final haletant dans la course à la qualification pour le «Tournoi des maîtres». Le Rolex Paris Masters constitue en effet l’une des toutes dernières chances pour les prétendants au rendez-vous dans la capitale anglaise de glaner des précieux points pour composter leur billet pour l’Eurostar. Mais cette année, le plateau apparaît très largement décimé alors qu’il ne reste plus qu’une seule place qualificative après le titre d’Andrey Rublev à Vienne.
En effet, dans la liste des prétendants au Masters, les forfaits se sont accumulés ces derniers jours. Parmi eux, il y a celui de Gaël Monfils, qui a décidé de mettre un terme à sa saison 2020 après son abandon dès son entrée en lice à Vienne. Pour le Français, il était temps d’arrêter les frais après une reprise catastrophique après la pause forcée du Covid-19, avec quatre défaites en quatre matches. Le confinement a totalement coupé le superbe élan du Parisien, l’un des hommes en forme du début de saison. «Le confinement m’a éteint, m’a fait beaucoup de mal. Je n’ai pas réussi à bien m’adapter, à faire les bons choix sur mon retour. J’ai été éloigné de ma famille, ça fait un peu plus d’un an que je n’ai pas vu ma mère physiquement par exemple. Ça m’a beaucoup affecté», a-t-il déclaré sur sa chaîne Twitch. De plus, l’absence de public dans les gradins n’a pas aidé le joueur français, qui adore se nourrir de l’énergie provenant des tribunes en plein match. Monfils veut désormais faire une bonne coupure avec le tennis pour repartir sur de bonnes bases en 2021.
Outre Gaël Monfils, Bercy sera aussi privé cette année de Fabio Fognini, Denis Shapovalov, Roberto Bautista Agut et Grigor Dimitrov. Dans ces conditions, Diego Schwartzman apparaît comme le mieux placé pour se qualifier pour le Masters de Londres. Ce serait une première pour l’Argentin, qui enchaîne les bons résultats depuis sa déconvenue au premier tour de l’US Open. Depuis son échec new-yorkais, la mobylette de Buenos Aires a brillé, avec une victoire contre Rafael Nadal à Rome, où il est allé jusqu’en finale, une demi-finale à Roland-Garros et une finale à Cologne. Matteo Berrettini, David Goffin, Pablo Carreño Busta, Milos Raonic, Karen Khachanov et Stan Wawrinka peuvent encore priver l’Argentin d’une qualification pour le Masters. Mais pour cela, Berrettini doit au minimum aller en finale à Bercy, tandis que les cinq autres doivent remporter le tournoi, tout en espérant une déconvenue de Schwartzman à Paris. Pour l’instant, ce dernier (3 285 points) a 410 points d’avance sur Berrettini (2 875) et 730 sur Goffin. Le Masters de Londres est donc logiquement à sa portée. Mais le Rolex Paris Masters pourrait bien (un peu) pimenter cette course au Masters… C’est toujours ça de pris pour le spectacle.
LES FRANÇAIS À LA PEINE
Après un Roland-Garros en demi-teinte, sauvé par quelques fulgurances, les Bleus risquent de vivre une nouvelle semaine compliquée dans la capitale française. Après les forfaits de Gaëls Monfils et Benoît Paire, qui n’y arrivent plus depuis la reprise, ce sera donc à Ugo Humbert d’endosser le costume de leader du clan tricolore à l’Accor Arena. Depuis l’an passé, le jeune Français de 22 ans affiche une superbe progression. Après un premier huitième de finale en Grand Chelem en 2019, il a confirmé cette année en allant chercher le premier titre de sa carrière à Auckland, en janvier, avant de récidiver fin octobre à Anvers. Avec cinq victoires au compteur contre des Top 20 en 2020, et même un Top 10 (Medvedev à Hambourg), il a de bonnes raisons d’espérer briller à la maison. Pour son entrée en lice, il devra se défaire de Casper Ruud, qui l’avait battu fin septembre à Hambourg. S’il l’emporte, le Tricolore se mesurera à Stefanos Tsitsipas au deuxième tour.
Concernant les autres Français, ce ne sera pas une partie de plaisir pour Richard Gasquet qui devra sortir Taylor Firtz d’entrée de jeu pour s’offrir le droit de défier Diego Schwartzman dans la foulée, ni pour Adrian Mannarino, qui devra vite se remettre de sa défaite contre John Millman en finale à Noursoultan, au Kazakhstan, puisqu’il affrontera Dusan Lajovic au premier tour. Ce ne sera pas simple non plus pour Pierre-Hugues Herbert, opposé à Tennys Sandgren, et Gilles Simon, qui croisera le fer avec Tommy Paul. Le plus grand défi à relever côté tricolore sera pour Hugo Gaston. Révélation du dernier Roland-Garros, après avoir atteint les huitièmes de finale en renversant Stan Wawrinka puis en faisant trembler Dominic Thiem, le jeune Toulousain aura fort à faire face à Pablo Carreño Busta, 15ème mondial. Pas de quoi cependant effrayer outre mesure le Français de 20 ans, qui tentera de briller à Bercy comme il l’a fait Porte d’Auteuil…
L’ANNÉE DE NADAL ?
Rafael Nadal, lui, est habitué à briller dans l’Ouest parisien, mais beaucoup moins dans l’Est… Impérial à Roland-Garros, où il a été sacré pour la treizième fois en octobre, l’Espagnol n’est encore jamais parvenu à s’imposer en indoor à Bercy. Une anomalie dans une ville qui compte tant pour lui qu’il tentera de corriger en ce mois de novembre. Il faut dire que les planètes semblent alignées pour Nadal. Djokovic et Thiem ne sont pas là, sa confiance est maximale après sa démonstration de force il y a trois semaines sur la terre battue parisienne, et, surtout, il est plus frais que jamais physiquement. Habitué jusque-là à finir les saisons sur les rotules, avec souvent des genoux qui sifflent, le Majorquin abordera cette fois le Rolex Paris Masters dans un contexte totalement différent.
En raison de la pandémie de Covid-19, qui a mis le circuit à l’arrêt pendant cinq mois, Nadal se présentera à Bercy bien moins fatigué que les années précédentes. L’occasion pour lui de remporter enfin l’un des rares titres qui manquent à son palmarès. Depuis le début de sa carrière, l’Espagnol vit en effet une relation plus que compliquée avec le Masters 1000 parisien. Pourtant, les choses semblaient bien engagées lorsqu’il a atteint la finale en 2007 pour sa première participation. Mais depuis, les galères se sont enchaînées pour lui…
Sur les quinze dernières éditions, Nadal a ainsi renoncé dix fois avant ou pendant le tournoi. L’an passé, il avait d’ailleurs déclaré forfait avant sa demi-finale contre Denis Shapovalov. Au final, le dauphin de Djokovic au classement ATP n’a joué qu’à sept reprises à Bercy, avec un tournoi bouclé sans abandon ni forfait seulement cinq fois, pour un bilan loin d’être famélique : une finale, trois demies et trois quarts. Mais Nadal en veut plus cette année avec une issue qu’il espère aussi belle qu’à Roland-Garros. Cependant, ce ne sera pas un long fleuve tranquille pour le Majorquin. Tsitsipas, Medvedev, Zverev, Rublev ou même Wawrinka et Khachanov auront également les crocs à Bercy. Reste à savoir celui qui aura le plus d’appétit.