On se souviendra longtemps de cet US Open 2021… Alors qu’il ne s’annonçait pas forcément sous les meilleurs auspices avec l’absence de Roger Federer, Rafael Nadal, Dominic Thiem ou encore Serena Williams, le Grand Chelem new-yorkais a offert un spectacle grandiose, nous faisant largement oublier la mélancolie naissante liée à la retraite de plus en plus proche de plusieurs légendes de la petite balle jaune. De la fraîcheur, des rebondissements, des émotions, des enjeux historiques et surtout du public, il y a tout eu dans cet US Open totalement crazy !
On le dit depuis un paquet de décennies maintenant, New York est la ville de tous les possibles. Et ça, Emma Raducanu, Leylah Fernandez et Carlos Alcaraz l’ont parfaitement compris ! Les trois pépites du tennis mondial ont fait souffler un sacré vent de fraîcheur sur la planète tennis ! Évoluant sans complexe sur les courts de Flushing Meadows, ils ont multiplié les coups d’éclat et coupé de nombreuses têtes dans leurs tableaux. Si la jeunesse ne devait avoir qu’un seul visage, ce serait celui d’Emma Raducanu. 150ème mondiale au moment de débarquer à New York, la Britannique de 18 ans a vécu un véritable conte de fées, digne des plus belles success-stories américaines. Issue des qualifications, celle qui ne disputait que le deuxième tournoi du Grand Chelem de sa carrière outre-Atlantique n’a concédé aucun set sur la route d’un sacre aussi incroyable qu’improbable ! 10 matches, 10 victoires, 20 sets gagnés, 0 perdu. C’est du délire !
«TEENAGE DREAM» IN NYC !
Et pour que l’histoire soit belle jusqu’au bout, Emma Raducanu était opposée en finale à une autre «teenager», à savoir Leylah Fernandez. Âgée de 18 ans au moment d’attaquer son tournoi, la jeune Canadienne a bien failli l’achever avec un titre du Grand Chelem sous le bras à 19 ans. Seulement battue par une Raducanu en état de grâce, comme en témoigne sa balle de titre (un ace), Fernandez a régalé dans cet US Open en sortant trois des cinq meilleures joueuses du monde !
Énorme guerrière, la Québécoise a démontré une force de caractère spectaculaire pour renverser Naomi Osaka au troisième tour alors que la Japonaise a servi pour le gain de la rencontre (5-7, 7-6, 6-4). Même chose lors de son huitième de finale face à Angelique Kerber qui avait pourtant un set et un break d’avance (4-6, 7-6, 6-2). Mais la fougue de la jeunesse a tout emporté sur son passage… et Elina Svitolina ainsi qu’Aryna Sabalenka, comme l’Allemande, ont pu constater les dégâts engendrés par la tornade canadienne.
Aller chercher une victoire en trois sets contre la tenante du titre, on pourrait parler d’un peu de chance… Mais décrocher quatre victoires consécutives au troisième set face à de sacrées clientes, c’est tout sauf de la chance. Avoir un tel mental d’acier avant la vingtaine, c’est très très fort. Et si Leylah Fernandez a raté la dernière marche en finale, le futur s’annonce cependant très radieux, mais attention à ne pas brûler ses ailes… Trop d’étoiles se sont transformées en comètes ces dernières années sur le circuit féminin. Mais si elles évitent les pièges d’une notoriété médiatique soudaine et brutale, plus encore pour la Britannique titrée à Flushing Meadows, Leylah Fernandez et Emma Raducanu ont toutes les armes en leur possession pour devenir les taulières du circuit dans quelques années et poser, pourquoi pas, les bases d’une rivalité d’anthologie… Le temps sera le juge de paix.
Avec ces dames déjà au sommet, on en oublierait presque le troisième «teenager» qui a fait vibrer New York : Carlos Alcaraz. Pourtant, c’est bien le prodige espagnol qui a réalisé la première énorme sensation de la quinzaine en éliminant Stefanos Tsitsipas au troisième tour à l’issue d’un match dantesque, conclu au tie-break du cinquième set (3-6, 6-4, 6-7, 6-0, 7-6). Considéré comme le successeur de Rafael Nadal en Espagne, alors que le principal intéressé se considère lui-même plus proche de Roger Federer dans le style que du Majorquin, Carlos Alcaraz, du haut de ses 18 ans, arrive déjà à faire sortir de sacrés parpaings de sa raquette. Tombé sous les coups de boutoir du jeune Espagnol, Stefanos Tsitsipas, qui a créé la polémique à Flushing avec ses interminables «toilet breaks», a d’ailleurs estimé que son bourreau serait «un prétendant à des titres du Grand Chelem». En attendant de disputer sa première finale dans un Majeur, l’Ibère a découvert les quarts de finale en Grand Chelem à l’US Open. Une première expérience douloureuse puisqu’elle s’est conclue sur un abandon contre Félix Auger-Aliassime. Le physique d’Alcaraz a dit stop mais ce n’est que partie remise. Il a d’ores et déjà conquis le cœur du public américain !
L’US OPEN A RÉCUPÉRÉ SON PUBLIC QUI LE REND SI UNIQUE
Après ce vent de fraîcheur amené par cette jeunesse audacieuse et victorieuse, le public de Flushing, c’est l’autre bouffée d’oxygène de cette quinzaine ! Et pour cause, l’US Open, un an après avoir été le premier tournoi du Grand Chelem en temps de pandémie de Covid-19, a été cette année le premier Majeur à retrouver un cadre normal. Durant deux semaines, le coronavirus ne semblait plus peser comme une épée de Damoclès sur le tournoi. Après avoir sonné si creux l’an passé, le court Arthur-Ashe a retrouvé l’atmosphère électrique qui rend l’US Open si unique.
Le plus grand stade de tennis du monde a d’ailleurs vécu une journée de folie le vendredi de la première semaine avec les exploits de Carlos Alcaraz contre Stefanos Tsitsipas et de Leylah Fernandez face à Naomi Osaka. L’US Open est probablement le tournoi qui vous pompe le plus d’énergie, mais c’est peut-être aussi celui qui peut le plus vous transcender. Le public new-yorkais ne vient pas voir du tennis dans le Queens, il vient voir un show. Il veut vibrer et crée donc les conditions pour engendrer de belles vibrations… Et avec plus de 22 500 personnes qui crient, le court Arthur-Ashe peut vite devenir une sacrée cocotte minute ! Carlos Alcaraz et Leylah Fernandez ont eu la chance d’évoluer dans ce cadre, impressionnant de par le gigantisme de l’arène et inégalable de par l’ambiance qui y règne lors de parties endiablées. A New York, le public est aussi chaud que le mercure ! Et après de (trop) longs mois avec des tribunes vides ou à moitié-remplies, quel bonheur de revoir le bordel habituel dans les travées des courts de l’US Open… Flushing sans public, ce n’est pas vraiment Flushing !
Ce n’est d’ailleurs sûrement pas un hasard s’il y a eu des batailles en cinq sets dans tous les sens lors de cette édition 2021. Évidemment, l’absence de Roger Federer et de Rafael Nadal, qui ont raflé 40 titres du Grand Chelem en moins de 20 ans, a aiguisé l’appétit de certains, mais le retour du public a redonné de l’énergie et un supplément d’âme à des joueurs en manque d’émotions fortes. Certains étaient en perdition et sont revenus à la vie à Flushing. C’est le cas de Gaël Monfils qui a montré de belles choses à New York avant de céder au troisième tour face à Jannik Sinner (7-6, 6-2, 4-6, 4-6, 6-4). Parti pour prendre la porte en trois petits sets contre l’Italien, le Parisien n’est pas passé loin de réussir une remontée fantastique avec l’appui d’un public en fusion. Se serait-il surpasser pour arracher un cinquième set devant des tribunes vides ? Probablement pas.
MEDVEDEV, UNE FINALE LIMPIDE POUR METTRE FIN À UNE QUÊTE HISTORIQUE
Jouer avec le public, Daniil Medvedev sait faire. Il l’avait prouvé il y a deux ans en se mettant d’abord le public new-yorkais à dos avant de se le mettre dans la poche après une finale d’exception perdue contre Rafael Nadal. Et le Russe a fait tout ce qu’il fallait pour revenir en finale à Flushing Meadows… Très serein, habité par sa mission, le Moscovite a tranquillement découpé ses adversaires à New York pour s’offrir une nouvelle chance de décrocher un Grand Chelem. A peine a-t-il lâché un set face à l’étonnant Botic van de Zandschulp, 117ème mondial et issu des qualifications, lors de son quart de finale… Une alerte sans conséquence et peut-être même salvatrice pour se reconcentrer à l’approche du défi ultime.
Ce défi ultime, ce n’était autre que Novak Djokovic, en quête d’un Grand Chelem calendaire historique à New York. Avec 27 victoires consécutives, il ne restait plus qu’une petite marche à gravir pour le Serbe afin d’écrire une incroyable page de légende. Surtout que le «Djoker» s’était déjà enlevé une belle épine du pied en venant à bout d’Alexander Zverev, son bourreau à Tokyo, aux portes de la finale. Mais le n°1 mondial n’a jamais pu caresser du doigt son rêve de Grand Chelem lors de l’ultime match à remporter… La faute à un Daniil Medvedev sur un nuage, qui a appliqué à merveille son plan de jeu, se transformant en miroir insoluble pour Novak Djokovic, qui a d’ailleurs fini par fracasser sa raquette de rage en début de deuxième set.
Cependant, on a bien cru durant une dizaine de minutes qu’un incroyable come-back du Serbe était possible dans la troisième manche, quand le public new-yorkais a fait vaciller le Russe en le huant copieusement au moment de servir pour le match. Mais après avoir lâché un break d’avance et réalisé deux double-fautes sur ses deux premières balles de match, la troisième a été la bonne pour le Moscovite. Après Dominic Thiem il y a un an au même endroit, c’est à lui d’entrer dans la cour prestigieuse des vainqueurs en Grand Chelem. Personnage atypique sur le circuit, le vainqueur de l’US Open a été fidèle à sa réputation avec une célébration aussi drôle que géniale, celle du poisson mort sur FIFA. On en redemande…
Il fallait au moins un Medvedev en mission pour mettre en faillite le Grand Chelem calendaire de Djokovic. Vidé par une quête si énergivore mentalement et physiquement, le Serbe a d’ailleurs fait part de son soulagement après la finale. Enfin, on allait le lâcher avec ces questions incessantes sur cet accomplissement hors normes dans l’histoire du tennis. Et à défaut d’avoir réalisé ce fameux Grand Chelem, qui lui aurait au passage permis de dépasser Federer et Nadal avec un 21ème Majeur record, le «Djoker» a trouvé l’amour du public ce dimanche 12 septembre. Décidément, c’était l’US Open de tous les possibles, à l’image de la ville qui l’héberge.
Flushing, merci pour cette sacrée bouffée d’oxygène !