L’histoire très récente de Roland-Garros a vu émerger un adversaire de taille pour Rafael Nadal, en la personne de Dominic Thiem. L’Autrichien, aujourd’hui très proche d’une victoire en Grand Chelem, a offert ces dernières années certaines des plus belles batailles sur les courts. Cette édition 2019 est synonyme de quatrième demi-finale consécutive pour l’actuel n°3 mondial. En 2016 et 2017, la marche avait été un peu trop haute face à Novak Djokovic, qui s’envolait vers son sacre tant attendu Porte d’Auteuil, puis face à Rafael Nadal, en pleine reconquête de son royaume. Les deux fois, Thiem avait été balayé en trois sets secs, n’inscrivant que sept petits jeux dans chaque rencontre.
Mais en 2018, Marco Cecchinato sortait le match de sa vie pour éliminer Novak Djokovic en quarts de finale. Croisant la route de l’Italien aux portes de la finale, Dominic Thiem ne s’était pas fait prier pour franchir un cap et rejoindre le maître des lieux. Encore un peu tendre, l’Autrichien n’a jamais vraiment inquiété un Nadal déterminé à soulever sa onzième Coupe des Mousquetaires. A charge de revanche, Dominic Thiem promet qu’il reviendra plus fort encore.
L’ADVERSAIRE N°1
Pourtant, la saison 2019 de l’Autrichien ressemble plus à des montagnes russes qu’à une confirmation. Il alterne le très bon et le moins bon, au point d’être parfois inquiétant. Dix jours avant Roland, il s’incline dès son entrée en lice au Masters 1000 de Rome. La forme de l’Autrichien est alors imprévisible à son arrivée à Paris. Le Serbe, lui, a connu un début de saison à son image avec une victoire en Australie et une transition sur terre de qualité, disputant deux finales à Madrid et Rome, gagnée pour la première et perdue pour la seconde. Après un début de tournoi délicat et un set perdu à chaque tour, Dominic Thiem se rassure en huitièmes de finale en écartant facilement Gaël Monfils, puis en quarts de finale en sortant Karen Khachanov sans forcer son talent.
Le voilà au rendez-vous, prêt à combattre un Novak Djokovic qui n’a pas laissé filer le moindre set dans le tournoi jusqu’à présent. Quand les deux joueurs entrent sur le court, personne ne sait encore que ce match connaîtra tant de péripéties. Car si ce face-à-face reste comme l’un des plus beaux duels de cette quinzaine, ce n’est pas (uniquement) dû aux deux joueurs. Après un Fedal, 39ème du nom, plutôt décevant comparé à l’attente qu’il suscitait, le public avait apparemment mieux à faire que de rester dans les gradins. Sur le court Philippe-Chatrier qui sonne désespérément creux (merci à la nouvelle configuration du court central, flambant neuf et tristement vide), c’est le vent qui fait le plus de bruit. Tourbillonnant, il constitue l’une des principales clés de ce match.
LA PLUIE, LE VENT, LA NUIT… LES CIEUX SE SONT DÉCHAÎNÉS
Rarement on aura vu un tennis aussi hésitant. Pour accompagner les rafales soulevant l’ocre, quelques gouttes de pluie vont et viennent. Il ne faudra attendre que huit petites minutes et un break de Dominic Thiem pour que le match connaisse sa première interruption, de quelques minutes seulement. Dans des conditions absolument dantesques, c’est l’Autrichien qui tire son épingle du jeu et remporte la première manche sur deux jeux blancs consécutifs. Fébrile face aux éléments, Novak Djokovic change complètement de tactique et se met à agresser son adversaire. C’est alors que la pluie vient interrompre une nouvelle fois la partie, obligeant les deux joueurs à se réfugier aux vestiaires durant quelques minutes.
De retour sur le court, le Serbe, plus entreprenant, recolle à un set partout. Aveuglés par la brique pilée soulevée par un vent toujours puissant, l’Autrichien et le «Djoker» peinent à mettre leur jeu en place. Thiem fait le break et Djokovic rejoint sa chaise, mené 3 jeux à 1, avant de quitter le court sous la pluie, sans attendre d’annonce officielle. L’arbitre suspend finalement la rencontre, il est 17h43. Celle-ci ne reprendra que le lendemain, sous un ciel un peu moins menaçant et un vent légèrement plus calme.
D’un tennis balbutiant à un un tennis flamboyant, ça ne se joue parfois qu’a un souffle…
LA NERVOSITÉ, TENDON D’ACHILLE DU SERBE
Après une nuit de repos, le spectacle est superbe, l’atmosphère irrespirable. Djokovic est nerveux, Thiem concentré mais parfois maladroit. Se rendant coup pour coup, le Serbe et l’Autrichien repoussent leurs limites jusqu’à un cinquième set de tous les dangers. Thiem se démène pour mener 4-1 et obtient même une balle de double break mais le «Djoker» la sauve au moment où une nouvelle averse vient arrêter, une dernière fois, le cours du match. Une heure plus tard, c’est un Djokovic transfiguré qui fait son retour, sur le court comme au tableau d’affichage. Sauvant deux balles de match au passage, le Serbe revient à 5-5 dans cette ultime manche. Mais il se tend à nouveau et Thiem en profite. Sur son 52ème coup gagnant, l’Autrichien s’impose après 4h15 d’un combat mené aussi bien contre les éléments que contre son adversaire.
Usé de cette demie sur deux jours, il manquera un peu d’énergie au n°4 mondial pour défendre toutes ses chances face à Nadal en finale. Il explosera physiquement après deux sets d’une intensité folle et devra une nouvelle fois se contenter du plateau du vaincu. Impossible de savoir si, sans le report du tournoi de cette année, l’Autrichien aurait pu soulever la Coupe des Mousquetaires à l’heure où ces lignes sont écrites. Mais Dominic Thiem sera, c’est certain, l’un des favoris à la victoire finale sur l’ocre parisien dès que le tennis réinvestira la Porte d’Auteuil.