Avec quatre mois de retard sur ses dates initiales, Roland-Garros a enfin débuté Porte d’Auteuil dans un contexte atypique. Placé au début de l’automne, le Grand Chelem parisien risque de vivre deux semaines très agitées, entre polémiques et rebondissements. Espérons aussi quelques exploits pour rendre le tournoi plus agréable… Une chose est sûre : on ne va pas s’ennuyer !

SEPTEMBRE N’EST PAS MAI 

Avec pour la première fois un toit sur le court Philippe-Chatrier, des éclairages sur les courts, un public très limité et des dates automnales, on savait que cette édition 2020 de Roland-Garros ne ressemblerait à aucune autre bien avant son coup d’envoi. Et dès le premier jour, cela s’est encore plus confirmé. La faute à une météo exécrable qui a mis les nerfs des joueurs à rude épreuve. Avec la pluie, le vent et le froid, il ne faisait en effet pas bon être sur un court de tennis en ce dimanche 27 septembre.

Première favorite à entrer en piste dans le tableau féminin, Victoria Azarenka, finaliste du dernier US Open, n’a pas tardé à pousser un coup de gueule contre l’arbitre après seulement trois jeux disputés sur le court Suzanne-Lenglen. «Cela devient un peu ridicule. Vous ne voyez pas ce qui est en train de se passer ? Il fait trop froid. On ne peut pas tenir sa raquette parce que c’est trop humide. Je ne vais pas attendre ici parce que j’ai froid», a ainsi lancé la Biélorusse à l’arbitre, avant de quitter le court avant même que la suspension de la rencontre ne soit annoncée. Celle-ci a finalement repris une demi-heure plus tard. Cette colère froide n’a cependant pas empêché Azarenka de s’imposer 6-1, 6-2, contre Danka Kovinic en à peine une heure de jeu, pour rapidement retourner se mettre au chaud…

Les prévisions météorologiques étant très mauvaises pour les prochains jours, on peut légitimement s’interroger sur l’équité de ce Roland-Garros 2020. Et pour cause, entre le court Philippe-Chatrier, le seul à être doté d’un toit, et les autres courts, les conditions de jeu sont radicalement différentes. On n’ira peut-être pas jusqu’à faire une comparaison entre Grand Chelem et Challenger. Mais tout de même… Il suffisait de voir la colère de Corentin Moutet sur le court n°14 ce dimanche soir alors que la pluie s’intensifiait sur Roland-Garros. Son match contre Lorenzo Giustino a finalement été suspendu et reprendra demain. Dans les mêmes conditions ?

PREMIER MATCH SOUS LE TOIT ET PREMIÈRE SURPRISE

Sur le papier, l’affiche entre Jannik Sinner, étoile montante du tennis italien, et David Goffin, tête de série n°11, était prometteuse. Elle a finalement été à sens unique. Contre toute attente, c’est le jeune Italien de 19 ans qui s’est facilement imposé en trois sets sous le toit du Central étrenné pour la toute première fois. Dégageant une très grande sérénité sur le court Philippe-Chatrier, qu’il foulait pour la première fois de sa carrière, Sinner a parfaitement récité son tennis contre un adversaire complètement à la dérive qui n’est jamais parvenu à se faire violence pour inverser le cours de la partie.

Méconnaissable, Goffin a traversé la rencontre tel un fantôme, encaissant une terrible série de 11 jeux consécutifs entre la fin du premier set et le début du troisième, avec une bulle au passage dans la deuxième manche. Avec 43 fautes directes, le Belge n’avait aucune chance de s’en sortir. C’est la deuxième fois de la saison qu’il perd contre Sinner après Rotterdam en février dernier. A seulement 19 ans, l’Italien, actuellement 75ème à l’ATP, compte déjà quatre succès contre des joueurs du Top 20 en 2020. Avant d’autres au cours de la quinzaine parisienne ?

LA RÉSURRECTION

Tout n’a pas été parfait, mais Benoît Paire a fait ce qu’il fallait pour écarter le Sud-Coréen Soonwoo Kwon en trois sets. Si ce succès du Français est évidemment logique, il a pourtant une saveur particulière. Et pour cause, l’Avignonnais sort d’un mois épouvantable lors duquel il s’est vu exclure de l’US Open pour un test positif au Covid-19. Après dix jours d’isolement à New York, il pensait que le pire était derrière lui, mais un nouveau test positif il y a quelques jours à Hambourg a ruiné pour de bon son moral. Heureusement, le test réalisé juste avant le coup d’envoi de Roland-Garros est revenu négatif. L’occasion pour Paire d’essayer de tourner enfin la page…

Sur un court Simonne-Mathieu qui sonnait bien creux, le Français a été sur courant alternatif, mais il n’a pas eu à forcer son talent pour battre un joueur qui est loin d’être un spécialiste de la terre battue. Malgré la victoire, Paire a semblé désabusé après la rencontre. Et on peut aisément le comprendre… «J’essaie de faire de mon mieux sur le court quand je peux jouer. Après, avec tout ce qui m’est arrivé, ce n’est pas facile. Tout le monde va dire que je me trouve des excuses mais quand on passe dix jours dans une chambre d’hôtel (à New York)… Je suis encore resté enfermé cinq jours à Hambourg, donc c’est une préparation complètement tronquée», a-t-il déclaré après sa victoire. «Si je peux jouer, j’essaie de faire de mon mieux sur le court, j’essaie de m’accrocher. Physiquement, bien sûr que je ne suis pas au top. Mentalement, c’est dur. Mais j’essaie de m’accrocher. C’est ce que j’ai fait aujourd’hui.»

Pour Benoît Paire, ce n’était qu’un premier tour à Roland-Garros, mais c’est déjà une sacrée victoire. «Tout le monde me met à la trappe, comme si j’avais déjà perdu, mais je n’ai pas perdu. Je joue Coria, je peux le battre. J’ai vu que David (Goffin) avait perdu, c’est ma partie de tableau. On ne sait jamais, avec quelques matches, un peu de confiance, ça peut très vite revenir. Les sensations sont plutôt correctes sur le court. Pourquoi pas faire quelque chose de bien.» C’est tout le mal qu’on lui souhaite, en espérant que ce foutu coronavirus le laisse enfin tranquille !

LA BATAILLE DU JOUR (ET DE LA NUIT) 

Les night-sessions ne seront officiellement introduites que l’an prochain à Roland-Garros, mais en raison de la nuit tombant bien plus tôt qu’au mois de mai, les éclairages installés sur les courts de la Porte d’Auteuil donnent déjà un aperçu de ce que sera le Grand Chelem parisien en mode nocturne. Propice aux joutes endiablées sur terre battue, Roland-Garros offrira un cadre encore plus électrique et dramatique aux batailles en cinq sets.

A défaut d’ambiance électrique sur un court quasiment vide, les Argentins Juan Ignacio Londero et Federico Delbonis ont opté pour le dénouement dramatique avec un combat de presque cinq heures achevé dans la nuit parisienne. C’est finalement Londero qui a eu le dernier mot en l’emportant 14-12 dans l’ultime manche.

Plus tôt dans la journée, c’est Jérémy Chardy qui était embarqué dans une bataille en cinq sets. Malgré deux sets d’avance et une balle de match, le Palois a cédé après 4h36 de jeu contre le jeune Autrichien Jurij Rodionov, qui n’avait encore jamais remporté un match sur le circuit. Si l’élimination du Français est une déception de taille, l’absence de combat entre Stan Wawrinka et Andy Murray en est une autre. Largement au-dessus, le Suisse, qui a fait l’impasse sur la tournée américaine pour se concentrer sur la saison sur ocre, n’a fait qu’une bouchée du Britannique. Goodbye Andy…

CECCHINATO, DEUX ANS PLUS TARD

Marco Cecchinato a enfin retrouvé le chemin de la victoire en Grand Chelem. Après huit défaites consécutives au premier tour, l’Italien a brisé cette série noire à Roland-Garros. Et avec la manière. Issu des qualifications, il a créé l’exploit ce dimanche en éliminant l’Australien Alex De Minaur, tête de série n°25, en trois sets, avec une bulle infligée à son adversaire dans la dernière manche.

Marco Cecchinato n’avait plus gagné un match dans un Majeur depuis son incroyable épopée sur la terre battue parisienne il y a deux ans. L’Italien avait alors atteint les demi-finales après avoir enchaîné des succès contre Pablo Carreño Busta, David Goffin et Novak Djokovic. Jusqu’à ce dimanche, c’était la seule fois où Cecchinato était parvenu à aller au-delà du premier tour en Grand Chelem. Désormais qualifié une deuxième fois pour le deuxième tour de Roland-Garros, l’Italien tentera de faire aussi bien qu’en 2018.

Marco, on se retrouve aux portes de la finale ?