Il y a un an, ou plutôt il y a une éternité, Gaël Monfils vivait la meilleure période de sa carrière avec un mois de février 2020 quasiment immaculé lors duquel il aligna 12 victoires consécutives pour remporter deux titres, à Montpellier et à Rotterdam, avant de buter sur Novak Djokovic aux portes de la finale à Dubaï. On pensait alors la Monf’ parti pour une saison record, et même pourquoi pas capable d’aller décrocher les étoiles en Grand Chelem. Mais comme Benoît Paire, finaliste à Auckland en janvier 2020, il a été brutalement stoppé par ce que personne n’avait imaginé : une pandémie mondiale.

Alors que le monde a commencé à se confiner à partir du mois de mars, les joueurs de tennis, comme les athlètes dans de nombreux sports, se sont retrouvés dans le flou le plus absolu. Si au départ cette période de repos forcé à leur domicile, qu’ils ne visitent que très peu habituellement en raison de la vie de globe-trotter qu’ils doivent mener pour suivre le rythme infernal du calendrier ATP aux quatre coins du globe, a pu être bénéfique sur le plan psychologique et physique, la donne a changé quand la situation a commencé à s’éterniser. Une pause de quelques semaines, c’est bienvenu pour souffler. Une pause de plusieurs mois, c’est un supplice pour un joueur qui est habitué à enchaîner les tournois onze mois sur douze. Et comme la pause forcée a finalement duré cinq mois, les dégâts psychologiques étaient inévitables…

Pourtant, Gaël Monfils et Benoît Paire ont essayé de se diversifier pour passer le temps durant cette période. Le premier s’est lancé dans une carrière de gamer/influenceur en créant une chaîne Twitch pour diffuser des parties de jeux vidéo et des émissions dans lesquelles il a notamment échangé avec Yannick Noah ou… Benoît Paire. Ce dernier s’est quant à lui bien amusé sur Instagram avec des sessions endiablées en live, en compagnie de Stan Wawrinka, lors d’un rendez-vous désormais légendaire : le fameux «StanPairo». Entre deux shots et quelques cocktails, l’Avignonnais distillait des punchlines avec autant de facilité que ses amorties sur un court de tennis. Ah c’était le bon temps… Car au moment de reprendre le chemin des courts, la joie a vite laissé place à la colère, la haine, le dépit… et même le dégoût.

NEW YORK, POINT DE DÉPART DE LA DESCENTE AUX ENFERS DE BENOÎT PAIRE

Alors que Gaël Monfils avait décidé de faire l’impasse sur la tournée américaine pour se concentrer sur Roland-Garros, Benoît Paire s’est lui envolé vers New York, où l’attendait l’enfer. Testé positif au Covid-19 lors du Masters 1000 de Cincinnati, exceptionnellement délocalisé à Flushing Meadows, le Français a non seulement été contraint de déclarer forfait pour l’US Open, mais en plus de cela, il s’est retrouvé bloqué pendant deux semaines aux États-Unis sur ordre des autorités américaines. Et pour ne rien arranger, plusieurs joueurs français ayant participé à une partie de cartes avec Benoît Paire à New York, avant qu’il ne soit testé positif, ont vu leur US Open complètement ruiné par le traitement spécial qui leur a été infligé car considérés comme cas contacts de l’Avignonnais. Des joueurs comme Richard Gasquet et Grégoire Barrère ont ainsi été bloqués aux États-Unis pendant plusieurs jours par les autorités américaines, et celles-ci ont même carrément exclu Kristina Mladenovic du tournoi. Bien malgré lui, Benoît Paire s’est ainsi retrouvé au centre d’un terrible fiasco pour le clan français. Dans ces conditions, difficile d’aborder la fin de saison avec le moral dans les chaussettes…

Moral encore plus dégradé après de nouvelles péripéties à Hambourg. En Allemagne, le Français a de nouveau été testé positif au Covid-19… mais tout de même autorisé à jouer. C’était à ne plus rien y comprendre, lui le premier. Et pour le coup, il est apparu épuisé sur le court à Hambourg, de quoi faire naître des suspicions autour d’un faux-positif à New York. Soulagé après Hambourg avec un test négatif qui lui a permis de participer à Roland-Garros, le joueur tricolore a remporté un match Porte d’Auteuil avant de prendre la porte, lessivé mentalement par toutes les galères qui lui sont tombées dessus depuis la tournée américaine. A bout de souffle, Paire a décidé de renoncer à Bercy et de mettre un terme à sa saison pour repartir du bon pied en 2021. Du moins, c’est ce qu’il espérait…

Quant à Gaël Monfils, revenu sur les courts à Rome, ce fut le début d’un long calvaire qui n’a toujours pas trouvé son épilogue. Après deux défaites d’entrée de jeu à Rome et à Hambourg, respectivement face au 97ème mondial et au 103ème mondial, on sentait bien que la machine du Parisien était sacrément grippée. Confirmation à Roland-Garros avec une élimination au premier tour contre Alexander Bublik. Prendre la porte dès son entrée en lice Porte d’Auteuil, cela ne lui était pas arrivé depuis 2005, lors de sa première participation au Grand Chelem parisien. Après une nouvelle défaite dès son premier match à Vienne quelques semaines plus tard, la Monf’ décida de jeter l’éponge et de stopper définitivement une saison 2020 qui partait pourtant si bien…«Le confinement m’a éteint, il m’a fait beaucoup de mal, je suis revenu sans avoir énormément de confiance, je n’ai pas du tout réussi à bien m’adapter, à faire les bons choix pour mon retour», avait alors expliqué le Parisien.

LE PUBLIC, LE CARBURANT INDISPENSABLE À MONFILS ET PAIRE

En plus de la situation sanitaire qui a fauché en plein élan Gaël Monfils et engendré des situations plus ubuesques les unes que les autres pour Benoît Paire, l’absence de public à leur retour sur les courts n’a rien arrangé. L’US Open, Bercy ou encore le Masters ont été disputés à huis-clos, tandis que Roland-Garros n’a accueilli que 1 000 spectateurs par jour. Dans ces conditions, difficile de trouver un supplément d’âme, une once de motivation ou même juste un peu de réconfort dans les ondes véhiculées par les spectateurs. Le public, c’est le facteur X dans un match, et Gaël Monfils s’en est servi à merveille à de nombreuses reprises dans sa carrière, notamment à Roland-Garros.

Gaël Monfils et Benoît Paire, chacun dans leur style, ont besoin de se nourrir de l’énergie du public pour s’électriser. Ce sont des showmans, et jouer devant des tribunes pleines est leur principale motivation. Là où d’autres joueurs parviennent à s’affranchir du soutien du public en se concentrant sur des objectifs plus personnels, les deux Tricolores jouent pour proposer un spectacle au public. Et ils n’ont pas tort, le tennis est un sport, mais aussi un spectacle, d’où le souhait de certains de le dénaturer avec des formats étonnants entrevus au Masters Next Gen ou à l’Ultimate Tennis Showdown, mais c’est une autre histoire… En ce qui concerne Monfils et Paire, l’absence de public s’assimile à l’absence de motivation. Supprimez le soleil et les panneaux solaires n’ont plus aucune utilité. Eh bien pour Monfils et Paire, c’est la même chose sans public. Pas de public, pas de motivation. Pas de motivation, pas de victoire. Pas de victoire, pas de confiance. Pas de confiance, et la spirale infernale devient interminable…

MELBOURNE, LA GOUTTE D’EAU QUI A FAIT DÉBORDER LE VASE

Dans ce contexte, c’est le cœur lourd que les deux Français se sont envolés pour Melbourne, où une quarantaine de deux semaines les attendait, avec cinq heures de sortie par jour pour s’entraîner. Du moins, en théorie… Car devinez qui s’est retrouvé dans un vol sur lequel a été détecté un cas de Covid-19 ? Benoît Paire évidemment ! L’Avignonnais a donc eu droit à une quarantaine stricte de deux semaines, sans la moindre possibilité de sortir de sa chambre, et ce malgré des tests systématiquement négatifs. Et comme si cela ne suffisait pas, le Tricolore a eu le malheur de dormir à l’hôtel Grand Hyatt de Melbourne, où un membre du personnel a été testé positif au Covid-19. Paire a donc subi un jour d’isolement supplémentaire, le temps d’être testé une nouvelle fois pour être enfin libre. Ce fut le cas, mais c’était déjà beaucoup trop. Après ces mésaventures, le Français avait indiqué être très loin de sa meilleure forme et que l’Open d’Australie n’était pas sa priorité. Cela s’est vu.

Si les galères de Paire ne peuvent susciter que de la compassion, même si le bonhomme est un spécialiste des coups de sang sur un court de tennis, que dire de Gaël Monfils… Sa défaite au premier tour de l’Open d’Australie face au Finlandais Emil Ruusuvuori, 86ème au classement ATP, l’a tout simplement détruit. Jamais Monfils n’avait semblé aussi dévasté après une défaite en Grand Chelem. Et pour cause, il s’agit de sa septième défaite consécutive. Il n’a plus goûté aux joies d’une victoire depuis un an. En larmes en conférence de presse, le Parisien s’est prêté à un rare exercice de vérité qui a laissé transparaître tout le mal-être du joueur. «Je n’arrive pas à bien jouer. Je ne suis pas bien, tout simplement. Continuer à m’entraîner, continuer à croire et j’espère gagner un match, puis deux, puis la confiance reviendra. Mais là, c’est compliqué. J’aimerais bien en sortir. Je demande un peu de clémence. Oui j’ai beaucoup perdu, ça me fait mal parce que je taffe. Le pire c’est que je taffe. Vous le voyez que je n’y arrive pas. Je m’entraîne comme un boucher et ça ne passe pas. J’aimerais bien me relever et vous dire que ce cauchemar est fini, mais là je suis dedans, je ne sais pas quand ça va s’arrêter», a déclaré la Monf’, complètement dépité.

On laisse cependant le mot de la fin à Benoît Paire, également éliminé au premier tour à Melbourne : «C’est bien beau leur tournoi, mais pour moi, je trouve que c’est de la merde, et ce qui s’est passé, c’est honteux.» Vider son sac, ça fait du bien. Après un an en enfer, l’heure de la reconstruction a sonné. C’est du moins tout ce qu’on souhaite à Gaël et Benoît. Monfils a déjà pris le taureau par les cornes en se dotant d’un nouvel entraîneur cette saison, à savoir l’Autrichien Günter Bresnik, ancien coach de Boris Becker, Henri Leconte et Dominic Thiem. De son côté, Benoît Paire a une conception différente du changement. Séparé de Lacoste, l’Avignonnais va lancer sa propre marque de vêtements, avec en logo… un verre de cocktail évidemment ! Allez, à ta santé Benoît !