C’était le 14 juillet 2019. Au terme d’une finale aussi sublime qu’indécise, Novak Djokovic remportait son cinquième titre à Wimbledon, son 16ème en Grand Chelem, aux dépens d’un certain Roger Federer qui doit encore se demander comment il a pu perdre un match durant lequel il s’est procuré deux balles de match. Ce jour-là, le Suisse a presque tout bien fait, livrant une prestation d’exception contre un «Djoker» qu’il n’a plus battu dans un Majeur depuis 2012.

Presque car il a manqué un tout petit coup de raquette au Bâlois pour frapper un énorme coup, l’un des plus retentissants de sa carrière. Car après avoir livré une demi-finale exceptionnelle contre Rafael Nadal, qu’il a écarté au terme d’une bataille conclue en quatre sets, une victoire dans la foulée en finale face à Novak Djokovic, qui plus est en cinq sets à 38 ans, aurait donné une envergure encore plus étincelante à son sacre londonien. Oui mais voilà, le tennis est un sport aussi magnifique et cruel, où être le meilleur joueur sur le court ne suffit pas toujours. Lors de cet après-midi estival de 2019, Roger Federer a pu le constater avec dépit, lui qui aura remporté ce jour-là 15 points de plus que son adversaire et inscrit 51 points au filet sur 65 montées (78% de réussite).

Évidemment, dire que Roger Federer aurait dû gagner l’an passé sur le gazon londonien n’enlève rien au mérite de Novak Djokovic. Et pour cause, le Serbe, face à un public totalement acquis à la cause de son adversaire suisse, a une nouvelle fois démontré qu’il possédait un mental d’acier dans les pires situations possibles. Il faut dire que le «Djoker» n’en est pas à son coup d’essai face au Suisse… A l’US Open, Novak Djokovic avait déjà sauvé deux balles de match avant de s’imposer contre «Rodgeur», et plus tôt deux fois qu’une, en 2010 et 2011, à chaque fois aux portes de la finale. De plus, le Bâlois avait perdu ses deux finales (2014 et 2015) contre le Serbe à Wimbledon.

Roger Federer était donc prévenu…

UNE CINQUIÈME MANCHE HORS DU COMMUN

Si l’on regarde dans le rétro, cette finale 2019 de Wimbledon n’était pas partie pour rester dans les livres d’histoire, Federer remportant facilement les deuxième et quatrième sets et Djokovic parvenant à chaque fois à verrouiller les jeux décisifs dans les première et troisième manche. Mais dans le cinquième set, les deux hommes ont hissé leur niveau de jeu à de sacrées hauteurs pour offrir au public du Centre Court l’un des dénouements les plus incroyables de l’histoire de Wimbledon. Un an plus tard, pas sûr qu’on s’en soit d’ailleurs vraiment remis, tant le scénario de cette ultime manche est à couper le souffle.

Au vu de l’âge des deux joueurs et de l’énergie dépensée par Roger Federer pour se débarrasser de Rafael Nadal au tour précédent, on pouvait légitimement penser que le Serbe serait plus frais que le Suisse dans ce début de cinquième set. Impression rapidement confirmée quand le Serbe se montre le plus menaçant des deux hommes à la relance, et encore davantage quand il parvient à faire le break et ainsi s’échapper pour mener 4-2. La messe semble dite, tant Federer paraît désormais sans solution face au Serbe.

Mais on n’enterre pas si facilement un champion de la trempe de Federer…

FEDERER, DU RÊVE AU CAUCHEMAR…

Le break de Djokovic a en effet été un électrochoc pour le Suisse, qui l’a effacé dans la foulée, avant même d’entrevoir un neuvième titre au All England Club lorsqu’il prend le service du Serbe pour mener 8-7 dans cette cinquième manche. Federer n’est alors plus qu’à quatre points d’une victoire historique, que le public du Centre Court s’apprête à célébrer en rugissant de plaisir. Après avoir claqué deux aces pour s’offrir deux balles de 21ème Grand Chelem, le rêve semble même ne plus pouvoir échapper à la réalité. Et pourtant… Une faute directe sur la première, et surtout, un coup droit et une montée trop timides sur la deuxième, sauvée d’un passing court croisé imparable par Djokovic, ont brutalement ramené Federer sur le plancher des vaches. Le rêve était passé pour le Suisse, l’espoir était revenu chez le Serbe. Deux points plus tard, le «Djoker» effaçait son break de retard.

Le match n’était pas terminé mais il avait définitivement tourné.

A l’issue d’un combat de près de cinq heures, le dénouement sera aussi incroyable que frustrant. Incroyable en raison du niveau proposé par les deux hommes dans ce dernier acte, mais aussi très frustrant car cette finale d’anthologie s’est conclue sur un tie-break à 12-12, nouvelle règle introduite lors de cette édition 2019 de Wimbledon après l’interminable demi-finale Isner-Anderson un an plus tôt. Impérial dans ce jeu décisif, comme lors des deux premiers, Novak Djokovic l’emporte après un dernier coup droit de Roger Federer catapulté dans le ciel londonien. Le Centre Court est stupéfait, nous aussi.

La défaite du Suisse contre Rafael Nadal sur ce même Centre Court, en 2008, dans ce qui est considéré par de nombreux observateurs (et nous aussi) comme l’un des meilleurs matches de l’histoire du tennis, était jusque-là la plus douloureuse de sa carrière. Mais cette finale contre Djokovic l’an passé est encore un cran au-dessus dans le panthéon des les défaites les plus cruelles de la carrière de Federer. Après ce triste dénouement, le Suisse admettra qu’il n’arrive pas à croire comme une si belle opportunité a pu lui filer entre les mains… Un an plus tard, pas sûr qu’il le réalise davantage. Cette finale, dont l’empreinte dans l’histoire reste à définir selon l’issue de la course au record de titres en Grand Chelem, restera dans toutes les mémoires. Surtout celle de Federer.