Si Netflix est en manque d’inspiration en ce début d’année, la firme américaine devrait jeter un œil de toute urgence sur les antipodes. Depuis dix jours, c’est un véritable thriller médico-diplomatique qui se joue en Australie. Le protagoniste n’est ni un espion, ni un acteur, ni un narcotrafiquant, mais un joueur de tennis. L’homme au cœur d’un imbroglio invraisemblable, c’est en effet Novak Djokovic. Non-vacciné face au Covid-19, le Serbe pensait être tranquille avec une exception médicale qui lui avait été accordée pour avoir le droit de disputer l’Open d’Australie. 

Mais en postant une photo sur les réseaux sociaux, qui annonçait son départ pour Melbourne, le n°1 mondial a mis sans le savoir le feu aux poudres. La presse et l’opinion publique en Australie ont vu rouge, et les responsables politiques du pays ont fini par s’emmêler. Alors que Novak Djokovic était encore dans les airs, une affaire explosive dont les répercussions définitives ne sont pas encore connues était lancée. Encore aujourd’hui, le Serbe ne sait toujours pas s’il pourra s’aligner à l’Open d’Australie pour défendre son titre dans un tournoi qu’il a remporté lors des trois dernières éditions. Le monde entier attend le dénouement d’une affaire polémique, qui ne cesse d’offrir un scénario digne d’Hollywood au gré de ses rebondissements jour après jour. 

L’EXEMPTION MÉDICALE DE LA DISCORDE

Au départ pourtant, les choses semblaient simples. En révélant qu’il avait bénéficié d’une exemption médicale pour s’aligner à l’Open d’Australie, Novak Djokovic mettait fin au flou entourant sa participation au premier Grand Chelem de la saison. Mais le Serbe étant un athlète de haut niveau en parfaite santé, ce motif n’est pas, mais alors pas du tout, passé en Australie. Alors qu’il n’était pas encore arrivé aux antipodes, le Premier ministre australien Scott Morrison a donné le ton en menaçant de renvoyer le n°1 mondial «par le premier avion» si son exemption médicale n’était pas justifiée. C’est à ce moment-là qu’on a commencé à se dire que ça ne sentait pas très bon pour le Serbe…

Force est de constater que les choses ont vite tourné au vinaigre pour le «Djoker». Tout sourire au moment de s’envoler pour Melbourne, il a vite déchanté à son arrivée en voyant son visa annulé par les autorités australiennes. Ayant rempli le mauvais formulaire pour entrer dans le pays, le Serbe se retrouvait ainsi sous la menace d’une expulsion après une nuit lunaire passée à l’aéroport de Melbourne. Mais il a obtenu un sursis pour tenter de défendre son cas. Envoyé dans un centre de rétention à Melbourne en attendant la décision de la justice australienne, Novak Djokovic était sans doute à mille lieux d’imaginer un tel scénario quand son avion s’est posé aux antipodes.

DJOKOVIC COMPARÉ À SPARTACUS ET JÉSUS, SÉRIEUSEMENT ?

L’affaire a rapidement pris une ampleur mondiale et la famille Djokovic n’a pas tardé à passer à l’attaque. Srdjan Djokovic, le père du champion serbe, n’a ainsi pas hésité à comparer son fils à Spartacus ou à Jésus crucifié sur la croix. Qu’il défende son fils, c’est évidemment compréhensible. En revanche, faire de telles comparaisons, c’est faire passer son fils pour un martyr, alors que la réalité est bien différente… Sans doute Srdjan Djokovic a-t-il la mémoire courte ? A-t-il oublié que son fils a créé un joli cluster de Covid-19 dans les Balkans avec le désormais légendaire fiasco de l’Adria Tour où les gestes barrières et la distanciation sociale étaient restés aux vestiaires alors que le monde se relevait péniblement d’une première vague d’une pandémie qui n’est toujours pas terminée à l’heure actuelle ? A-t-il oublié les propos étonnants de son fils sur la science et ses doutes sur la vaccination alors que des millions de personnes sont mortes et continuent de mourir du Covid-19 ?

Depuis des années, Novak Djokovic adopte une position parfois gênante sur la science et la médecine. Au printemps 2020, il déclarait notamment lors d’un live Instagram que «l’eau réagit à nos émotions» à l’occasion d’un échange avec Chervin Jafarieh, un «gourou du bien-être». Après avoir été infecté par le Covid-19 lors de l’Adria Tour, le Serbe a commencé à faire des pèlerinages «énergétiques» sur le site controversé des Pyramides en Bosnie, où sévit le gourou Semir Osmanagic. Chacun ses convictions évidemment, mais oser se pointer en Australie, l’un des pays qui a imposé à sa population les mesures sanitaires parmi les les plus strictes du monde, sans être vacciné contre le Covid-19, c’est audacieux, pour ne pas dire irrespectueux. 

Mais Novak Djokovic a contracté le Covid-19 en décembre me direz-vous ? C’est probablement vrai, mais pas certain, vu que des journalistes allemands ont révélé qu’il existait des anomalies autour des tests du Serbe réalisés le 16 et le 22 décembre, le premier étant celui présenté comme positif par les avocats du n°1 mondial. De plus, le «Djoker» a été aperçu, sans masque, à des événements publics le lendemain de son supposé test positif. Deux jours après ce dernier, il avait reçu des reporters de L’Équipe venus lui remettre le trophée du Champion des champions 2021. De Novak Djokovic à «Novax Djocovid», il n’y a qu’un pas à franchir…

ON A LES SOUTIENS QU’ON MÉRITE…

Visiblement, quand on s’appelle Djokovic, les règles d’isolement n’existent pas… Certes, le Serbe s’est excusé pour son comportement, il a admis des erreurs, mais cela commence à faire beaucoup. Surtout qu’il a menti sur le formulaire d’entrée en Australie… Il a coché la case confirmant qu’il n’a pas voyagé dans les 14 jours précédents son arrivée aux antipodes le 5 janvier. Or, le joueur était, dans ces deux semaines, en Serbie puis en Espagne. «Nous vivons une époque difficile dans une pandémie mondiale et parfois des erreurs surviennent», a plaidé Djokovic. Un peu facile comme excuse…

Pour ne rien arranger, le Serbe a reçu des soutiens pour le moins étonnants. Nigel Farage, l’homme qui a incarné le Brexit au Royaume-Uni, s’est carrément rendu en Serbie pour soutenir le clan Djokovic et dénoncer l’attitude des autorités australiennes, tandis que Florian Philippot, homme politique français d’extrême-droite, a publiquement soutenu le n°1 mondial sur Twitter. On a les soutiens qu’on mérite, paraît-il… Toujours est-il que cela ne va pas arranger la réputation du joueur, qui souffre de ne pas être aussi populaire que Roger Federer et Rafael Nadal. C’est d’ailleurs l’Espagnol qui a parfaitement résumé le sentiment général : «Selon moi, le monde a trop souffert pour ne pas suivre les règles. S’il voulait, il aurait pu jouer ici sans problème. Chacun est libre de ses décisions, mais il y a des conséquences. D’un côté, je suis désolé pour lui. Mais il connaissait les conditions.» CQFD.

DJOKOVIC INTERDIT D’ENTRER EN AUSTRALIE PENDANT 3 ANS ?

Certes, le Serbe a obtenu une première victoire face aux autorités australiennes lundi en voyant son annulation de visa effacée par la justice locale. Dans la foulée, Novak Djokovic avait été libéré de son centre de rétention et il était directement parti en direction de Melbourne Park pour s’entraîner. Comme si de rien n’était. Comme si le feuilleton était terminé et qu’il allait bel et bien disputer l’Open d’Australie… Ce qui constituerait un authentique tour de force au nez et à la barbe d’un gouvernement australien embarrassé par cette situation. Les jours passaient et le n°1 mondial semblait se rapprocher pour de bon du tournoi… 

Mais alors que le tirage au sort de l’Open d’Australie avait été effectué, le ministre australien de l’Immigration, Alex Hawke, a sorti sa carte magique vendredi pour annuler à nouveau le visa du joueur serbe. Ce dernier a évidemment fait appel de cette décision pour tenter de sauver sa peau. Le dénouement de ce feuilleton invraisemblable est proche. Ce sera la nuit prochaine. En cas de revers devant la justice australienne, Novak Djokovic sera expulsé du territoire et pourrait être interdit de revenir en Australie pendant trois ans ! Un énorme gâchis pour un champion de sa trempe… Car l’Open d’Australie est tout simplement le tournoi du Grand Chelem où il réalise ses meilleures performances (9 titres). Mais ainsi soit-il… «L’Open d’Australie est bien plus important que n’importe quel joueur», a rappelé à juste titre Rafael Nadal.

LA SAISON DU SERBE EN DANGER ?

Au-delà de l’impact imminent de cette affaire sur sa participation à l’Open d’Australie, l’état vaccinal actuel de Novak Djokovic pourrait lui poser un gros problème pour la suite de la saison, notamment pour prendre part aux autres tournois du Grand Chelem. Et pour cause, la France, qui héberge Roland-Garros mais aussi le tournoi de Paris-Bercy, laisse de moins en moins de liberté aux non-vaccinés, tandis que les États-Unis, où se jouent l’US Open ainsi que trois des neuf Masters 1000 de la saison (Indian Wells, Miami et Cincinnati), a carrément fermé ses frontières aux personnes qui n’ont pas un schéma vaccinal complet. 

Rien qu’en ratant les échéances dans ces deux pays, la saison du Serbe pourrait s’en retrouver lourdement impactée, et il pourrait ainsi manquer de belles occasions de marquer l’histoire de son sport, alors qu’il est à égalité avec Roger Federer et Rafael Nadal dans la course aux titres du Grand Chelem (20 chacun). Mais Novak Djokovic aime défrayer la chronique… C’est avec cette personnalité qu’il s’est construit un mental d’acier pour devenir l’un des plus grands joueurs de l’histoire du tennis. Mais c’est aussi ce qui en fait un personnage aussi clivant… Ça n’a jamais été aussi vrai que ces derniers jours. Est-ce la polémique de trop ? Le temps sera le juge de paix.