C’est la fin du tunnel pour Roger Federer. Après 13 mois sans avoir disputé le moindre match sur le circuit, le Suisse reprend du service cette semaine à Doha. Entre son dernier match officiel, disputé à l’Open d’Australie contre Novak Djokovic le 30 janvier 2020, et son arrivée au Qatar ce week-end, une pandémie mondiale et surtout deux arthroscopies au genou droit ont semé le doute dans la tête de l’homme aux 103 titres.

Après plus de vingt années de bons et loyaux services sur le circuit, le Bâlois aurait pu ranger sa raquette avec le sentiment du devoir accompli, en ayant remporté à peu près tous les titres et brisé quasiment tous les records possibles et imaginables. Mais à bientôt 40 ans, Federer a décidé de repartir au combat. Et cette fois, c’est presque une certitude, ce sera pour la dernière fois. Mais la fin n’est pas encore connue…

Si le Suisse a décidé de revenir, ce n’est pas pour se prouver quoi que ce soit, sinon qu’il est le plus grand joueur de l’histoire, mais car ses ambitions demeurent intactes. Surtout que la vie sur le circuit ne l’a toujours pas blasé après plus de 1 500 matches disputés… «J’ai juste l’impression que l’histoire n’est pas encore finie. J’aimerais ressentir à nouveau cette adrénaline de jouer contre les meilleurs dans les plus grands tournois et avec l’espoir de les gagner. Je verrai bien si j’aime toujours la vie sur le circuit, avec la quarantaine, et les difficultés actuelles pour voyager. Mais j’espère jouer encore assez longtemps pour le faire devant des stades pleins», a ainsi déclaré le principal intéressé lors de sa première conférence de presse à Doha.

Pour autant, si Federer a toujours un appétit à son zénith, le défi est immense. Certes, il existe des motifs d’espoir, et pas des moindres. Car revenir d’une longue absence et triompher, le Suisse sait faire. Il l’avait prouvé à Melbourne en janvier 2017 avec un retour éclatant, dont le plus beau symbole est cette victoire en cinq sets contre Rafael Nadal en finale de l’Open d’Australie, après s’être pris les pieds dans le tapis sur son gazon chéri de Wimbledon six mois plus tôt. Évidemment, l’Helvète doit s’appuyer sur ce premier come-back gagnant pour aborder ce deuxième retour dans les meilleures dispositions mentales. Mais sur le plan physique, la donne est bien différente…

UNE DEUXIÈME OPÉRATION QUI A COMPLIQUÉ LE RETOUR DE FEDERER

Ce n’est pas un scoop, avec quatre ans de plus au compteur, le corps de Federer, aussi bien entretenu soit-il, met plus de temps à récupérer et donc à se remettre d’une blessure. Surtout que le Suisse n’a pas subi l’an passé une seule arthroscopie, comme ce fut le cas pour son genou gauche en 2016, mais deux à quelques mois d’intervalle, pour le genou droit. Et cette différence majeure, c’est son préparateur physique, Pierre Paganini, qui en parle le mieux. «La grande différence avec 2016, c’est que quand il avait fait une pause après Wimbledon, ses muscles étaient toujours là, dans le même état. Cette fois, il y a eu une interruption totale pendant laquelle les muscles se sont considérablement détériorés. Il y a eu beaucoup de temps entre la première opération en février et le mois de juillet quand nous nous sommes dit que nous pouvions commencer à travailler à nouveau progressivement. Les déséquilibres étaient alors extrêmes et ses muscles avaient besoin de beaucoup plus de temps pour récupérer», a déclaré ce dernier dans les colonnes du quotidien suisse Tages Anzeiger.

Par conséquent, Federer n’a eu d’autre choix que de passer par un processus plus long pour entrevoir à nouveau l’excitation de la compétition. Après la rééducation, c’est la phase de réathlétisation qui a été la plus décisive. Car à l’issue de cette phase pour remettre les muscles au niveau imposé par l’exigence du sport de haut niveau, c’est l’instant de vérité pour savoir si oui ou non le corps est capable d’encaisser les chocs et la répétition des efforts sur plusieurs matches. Et ce alors que le tennis est réputé pour être l’un des sports les plus traumatisants pour les articulations, et notamment les genoux. Mais si le Suisse a pu reprendre l’entraînement et s’aligner à Doha cette semaine, c’est que les tests ont été concluants. Reste désormais une inconnue : celle du terrain.

Pour autant, le plus dur semble passé pour Federer. Mais il ne le cache pas, il a douté. «J’étais démoralisé après la seconde opération. Je me suis posé beaucoup de questions sur tout. Wimbledon était annulé et la pandémie était grave. Mais le désir ardent de revenir était là. Je voulais décider moi-même de la fin de ma carrière. Je sens qu’il me reste encore quelque chose à faire. La retraite n’a jamais vraiment été dans mes plans», a expliqué le Bâlois. Et dans ces propos, ce qui frappe, c’est de voir à quel point l’annulation de Wimbledon a touché Federer. Après avoir subi sa première arthroscopie au genou droit en février 2020, le Suisse avait d’ailleurs planifié son retour pour être prêt à Wimbledon. Mais le Grand Chelem anglais étant annulé, il n’était pas question de s’affoler, et l’Helvète a donc décidé de repasser sur le billard pour être débarrassé une bonne fois pour toutes de ses soucis au genou droit.

UN CALENDRIER CONSTRUIT POUR BRILLER À WIMBLEDON

Après 13 mois de pause forcée, il est donc temps pour Federer de réenchanter le monde de la petite balle jaune et de montrer qu’il peut encore briller, alors que Novak Djokovic vient de battre son record de 310 semaines à la première place mondiale. Mais pour le Suisse, l’objectif n’est pas le trône mais encore et toujours Wimbledon. Il l’a rappelé en conférence de presse à Doha : «Si je peux jouer deux matches ici à Doha, je serai heureux. Je n’ai pas beaucoup d’attentes pour ce tournoi, mais il se peut que je me surprenne. J’espère être à 100% pour Wimbledon et alors la saison commencera vraiment pour moi.»

Le cap est fixé et Federer ne veut surtout pas brusquer les choses pour arriver à Londres en juin prochain dans les meilleures conditions. Il a ainsi construit son calendrier pour gagner à Wimbledon. Après Doha, le Suisse prendra peut-être la direction de Dubaï, où il a peaufiné sa préparation en vue de son retour. Mais cela dépendra de son état physique et de ses résultats au Qatar. Après ce premier bloc de compétition, Federer ne se rendra pas à Miami pour défendre son titre, preuve que ce n’est pas une priorité à ses yeux.

Il sera alors temps de préparer la saison sur terre battue. De quoi susciter l’espoir dans la tête de Guy Forget, qui serait forcément comblé de voir le Suisse débarquer à Paris pour jouer à Roland-Garros… Mais même si le Bâlois vient jouer Porte d’Auteuil, il ne s’agira que d’une étape sur la route de Wimbledon. Et après le Grand Chelem anglais ? «Actuellement, l’horizon ne va pas au-delà de Wimbledon», a assuré Federer. Faut-il y voir le signe d’une retraite annoncée dès la fin de son tournoi favori ? Pas vraiment, puisque les Jeux Olympiques de Tokyo auront lieu cet été, et le Suisse n’a encore jamais remporté la médaille d’or en simple.

Point positif pour Federer, malgré 13 mois d’absence, il n’a pas dégringolé au classement en raison des mesures prises par l’ATP pour adapter le classement aux conséquences de la crise du coronavirus qui a engendré l’annulation de nombreux tournois l’an passé, dont Wimbledon. Alors qu’il s’était aligné à l’Open d’Australie 2017 dans la peau du 17ème joueur mondial pour son premier retour, il est cette semaine 6ème au classement ATP pour son tournoi de reprise à Doha. Certes, le plateau est relevé pour un ATP 250 (Thiem, Rublev, Bautista Agut, Goffin, Shapovalov…), mais cela devrait lui permettre de monter en puissance. Entre l’adrénaline de la compétition et le plaisir simple de jouer au tennis après une année frustrante, nul doute que Federer est impatient d’en découdre.

EVANS, SON PREMIER ADVERSAIRE COMME EN 2017

Sera-t-il capable de briller et d’aller chercher un 21ème titre du Grand Chelem dans les prochains mois ? Pierre Paganini a sa petite idée… «Est-ce que l’âge peut l’empêcher de gagner des titres ? Je ne crois pas non. Mais c’est un peu tôt pour répondre. C’est la cinquième génération contre laquelle il joue. Les adversaires sont forts, et le tennis est chaque fois plus exigeant. Roger en a été le principal responsable. Mais j’aimerais souligner qu’il sait que la route sera plus longue», a expliqué le préparateur physique de l’octuple vainqueur de Wimbledon au quotidien suisse Tages Anzeiger.

Premiers éléments de réponse ce mercredi à Doha. Pour son match de reprise, Roger Federer affrontera Daniel Evans. Un joueur qu’il connaît très bien puisqu’il s’est entraîné à plusieurs reprises avec le Britannique ces derniers temps. Le Suisse, qui a indiqué avoir «joué une vingtaine de sets d’entraînement avec Daniel Evans», ne devrait donc pas être perdu pour son retour. Ironie du sort, le Britannique avait déjà été le premier adversaire du Bâlois lors de son premier come-back en janvier 2017. A l’époque, Federer s’était imposé contre Evans dans le cadre de la Hopman Cup avant d’aller gagner l’Open d’Australie à la surprise générale.

Le signe d’un nouveau présage heureux pour le Suisse ?