On pensait avoir tout vu (ou presque) dans cet US Open avec les péripéties du clan français, les balles envoyées par Zverev dans les tribunes à destination d’un public imaginaire ou encore l’élimination de Tsitsipas dès le troisième tour malgré six balles de match… Mais il faut croire que le Grand Chelem new-yorkais n’a pas fini de nous surprendre alors que l’on arrive seulement à la moitié du tournoi. Car ce dimanche a marqué un tournant à l’US Open avec une déflagration maximale…
Archi-favori pour le titre, Novak Djokovic a été disqualifié pour avoir envoyé involontairement une balle sur une juge de ligne. Ce coup de tonnerre à Flushing Meadows a logiquement relégué au second plan les surprises sur le plan sportif. Et avec les éliminations de Kvitova, Martic, Kerber et Goffin, il y avait pourtant de la matière pour parler du jeu… Mais cet US Open ne ressemble à aucun autre. Peu importe son dénouement, il restera à part dans l’histoire des tournois du Grand Chelem. Surréaliste, ubuesque, dingue… Ce ne sont pas les qualificatifs qui manquent pour décrire cette déroutante quinzaine new-yorkaise.
LE SÉISME
Avant le début de l’US Open, on voyait mal qui pouvait venir contrarier les ambitions de Novak Djokovic, lancé à la vitesse du son vers un 18ème titre du Grand Chelem qui lui tendait les bras alors que Roger Federer et Rafael Nadal n’ont pas fait le déplacement jusqu’à New York. Et contre toute attente, Novak Djokovic a été éliminé… par lui-même ! Opposé à l’Espagnol Pablo Carreño Busta ce dimanche, le Serbe avait pourtant les choses en main dans ce match qui n’aura même pas duré un set. Mais l’horizon a commencé à s’assombrir pour le «Djoker» quand il n’a pas réussi à concrétiser ses balles de set sur le service de son adversaire à 5-4 en sa faveur. Djokovic avait alors déjà eu un premier geste d’humeur en catapultant une balle sur un panneau publicitaire au bord du court. Un geste sans conséquence puisque personne ne se trouvait sur la trajectoire de la balle, ce ne sera pas le cas la deuxième fois…
Pablo Carreño Busta revenu à hauteur de son adversaire dans cette première manche, l’Espagnol a poursuivi sur sa lancée pour mettre en difficulté le Serbe sur son service. Et pour ne rien arranger, Djokovic a chuté et s’est blessé à l’épaule. Le n°1 mondial s’est alors vu accorder un sursis de quelques minutes pour recevoir la visite du kiné sur le court. Cela ne changera rien. Le Serbe cède son service… et son sang-froid. Excédé, il balance alors une balle derrière lui pour libérer sa frustration… Sauf que cette balle finit sa course dans la gorge d’une juge de ligne qui tombe alors à la renverse et semble avoir des difficultés pour respirer. S’il ne fait pas l’ombre d’un doute que le Serbe n’avait aucune intention de toucher la juge de ligne, le mal était fait.
Après s’être immédiatement rendu à ses côtés pour s’excuser et prendre de ses nouvelles, Novak Djokovic a tenté de plaider sa cause auprès du juge-arbitre et du superviseur. Mais le règlement des tournois du Grand Chelem est clair : «Les joueurs doivent à tout moment se conduire de manière sportive, que ce soit envers l’autorité des officiels et les droits des adversaires ou des spectateurs. La violation de cette règle peut exposer le joueur à une amende pouvant atteindre 20 000 dollars. Et si l’infraction est commise pendant un match, le joueur peut être pénalisé conformément au barème de pénalité (avertissement puis point de pénalité puis jeu de pénalité, autant de fois que nécessaire).»
Jusque-là, pas de disqualification mentionnée, mais le cas de Djokovic entre dans une autre disposition du règlement : «L’infraction peut aussi entrer dans la catégorie ‘comportement aggravant’ et entraîner la sanction précisée ci-après.» Il faut alors consulter la section T du règlement : «L’arbitre, après consultation avec le superviseur, peut déclarer la disqualification d’un joueur. Cette décision est alors sans appel. Le joueur perdra tous les points ATP gagnés pendant le tournoi et pourra se voir infliger une amende pouvant atteindre le montant du prize-money remporté au cours du tournoi en question.» Et c’est précisément ce qui est arrivé à Novak Djokovic… Aussi malheureux et involontaire soit son geste, les règles sont les mêmes pour tout le monde. Une demi-heure à peine après sa disqualification, le Serbe quittait déjà Flushing Meadows sans passer par la case conférence de presse, pourtant obligatoire.
A l’arrivée, l’addition de ce geste d’humeur est particulièrement salée pour le «Djoker». Non seulement, il rate une occasion en or de remporter un 18ème tournoi du Grand Chelem pour revenir sur les talons de Nadal (19) et Federer (20) et voit sa série d’invincibilité s’arrêter à 26 victoires consécutives en 2020, mais il perd aussi tous ses points obtenus depuis le début de cet US Open, à savoir 180 points pour avoir atteint les huitièmes de finale, et se voit priver de son prize-money, soit la somme de 250 000 dollars. C’est d’ailleurs en se basant sur ce montant que le Serbe devra s’acquitter d’une amende pour son comportement. Djokovic devra également payer une amende supplémentaire de 20 000 dollars pour avoir zappé la conférence de presse d’après-match. Au total, le natif de Belgrade devra donc débourser 270 000 dollars, soit presque l’intégralité du prize-money remporté une semaine plus tôt au tournoi de Cincinnati (285 000 dollars).
Évidemment, voir Novak Djokovic quitter l’US Open dans ces conditions est un désastre absolu… Le tournoi, déjà miné par les forfaits de Federer et Nadal, et l’absence de public à cause du Covid-19, perd en effet sa plus grande star, alors que le traitement réservé aux joueurs français en contact rapproché avec Benoît Paire, testé positif au coronavirus avant le coup d’envoi de la quinzaine new-yorkaise, fait débat. Mais que l’exclusion de Kristina Mladenovic du tournoi sur décision des autorités américaines semble déjà bien loin… Chaque jour, cet US Open est le théâtre d’un scandale encore plus grand. Et il reste encore une semaine de compétition…
Si cet événement est forcément terrible pour Novak Djokovic, qui a présenté ses excuses sur Instagram quelques heures après l’incident en affirmant vouloir «transformer tout ça en une leçon pour grandir en tant que joueur et en tant que personne», ce n’est cependant pas la première fois que le Serbe passe tout près de la correctionnelle. En 2016 déjà, sur la route de son sacre à Roland-Garros, il avait failli voir ses espoirs de victoire s’envoler contre Tomas Berdych en jetant sa raquette de rage après avoir raté une balle de break. La raquette n’était pas passée loin de la tête d’un juge de ligne qui avait esquivé de justesse l’objet volant… Le «Djoker» avait échappé à la disqualification à Paris il y a quatre ans, pas cette fois à New York. Régulièrement, le Serbe a également l’habitude de s’en prendre à l’arbitre, notamment quand il reçoit des avertissements pour dépassement de temps au service. Lors de la finale de l’Open d’Australie en début d’année, il s’était ainsi permis de toucher les chaussures de l’arbitre pour le provoquer.
Pourtant, Novak Djokovic est un adepte du yoga et de la méditation, ce qui devrait lui permettre de se relâcher et d’être un peu plus «zen» sur le court. Cependant, le Serbe s’est entouré de plusieurs personnes à la légitimité douteuse ces dernières années. Le n°1 mondial a notamment été vu aux côtés de Pepe Imaz, un ancien joueur de tennis qui a créé une académie centrée sur «l’Amour et la Paix»… Un personnage aux allures de «gourou» qui a travaillé avec Djokovic pour l’aider dans sa gestion émotionnelle. Par ailleurs, le leader du classement ATP a défrayé la chronique pendant le confinement avec ses «lives» Instagram, où il a invité des personnalités sulfureuses, à l’image de Chervin Jafarieh, fondateur d’une entreprise qui vend des complémentaires alimentaires supposés bénéfiques pour son bien-être et sa santé. Et dans ces conversations en direct suivies par plusieurs milliers de personnes, on a pu parfois entendre des propos farfelus, voire carrément délirants, sur la force des ondes et des nutriments, le contrôle des émotions ou encore la vaccination contre le Covid-19. Pas certain que cela ait aidé le Serbe à New York… Toujours est-il que nous aurons un nouveau vainqueur en Grand Chelem pour la première fois depuis l’US Open 2014. La pression risque de devenir bien lourde sur les épaules de Thiem, Medvedev et Zverev… Pendant ce temps-là, un Suisse et un Espagnol seraient en train de danser «la salsa du démon»…
Absolument tous les fans de Federer et Nadal en ce moment :#Djokovic #USOpen pic.twitter.com/Z0qayVvYeh
— Fédé 🇫🇷 de la Lose (@FFLose) September 6, 2020
LE COUP DE «SHAPO»
Le tennis canadien est en grande forme à New York avec pas moins de trois représentants en huitièmes de finale de l’US Open. Le premier d’entre eux, Denis Shapovalov, était en piste la nuit dernière… et il n’a pas déçu ! Bien au contraire. Face à David Goffin, tête de série n°7 à Flushing, le 17ème mondial a fait preuve de caractère pour se relever de la perte d’un premier set qu’il avait pourtant dominé, avant de le céder à l’issue d’un tie-break catastrophique (aucun point inscrit !). Par la suite, le Canadien est monté en régime, notamment au service, pour revenir dans la partie et finalement écarter le Belge en quatre sets. Shapovalov devient le premier Canadien à atteindre les quarts de finale à l’US Open. Il aura une belle carte à jouer mardi, puisqu’il n’affrontera pas Novak Djokovic, disqualifié donc, mais Pablo Carreño Busta…
LA CONFIRMATION
Au troisième tour, Borna Coric avait créé la sensation en éliminant Stefanos Tsitsipas au terme d’une rencontre renversante au cours de laquelle il a sauvé six balles de match. Si l’exploit du Croate était évidemment à saluer, on pouvait craindre qu’il ne soit trop émoussé physiquement après 4h36 de combat pour défendre ses chances au tour suivant contre Jordan Thompson. Finalement, il n’en a rien été. Coric a parfaitement maîtrisé son sujet face à l’Australien pour décrocher en trois sets le premier quart de finale de sa carrière en Grand Chelem. Il affrontera Alexander Zverev, qui a éparpillé l’Espagnol Alejandro Davidovich Fokina avec cinq petits jeux concédés.
LE MIRACLE
Éliminée ce dimanche de l’US Open, Petra Kvitova pourra nourrir d’immenses regrets… Et pour cause, la Tchèque est passée à quatre reprises à un coup de raquette de la victoire. Mais celle-ci est finalement tombée dans l’escarcelle de l’Américaine Shelby Rogers qui s’est imposée au tie-break du troisième set. Bel exploit de la 93ème joueuse mondiale qui atteint les quarts de finale à Flushing Meadows pour la première fois. Elle défiera la Japonaise Naomi Osaka.
L’HÉCATOMBE
Déjà amputé par les forfaits d’Ashleigh Barty, de Simona Halep et de la tenante du titre Bianca Andreescu, le tableau féminin de l’US Open n’en finit plus de s’ouvrir. La nuit dernière, ce sont Petra Kvitova, Petra Martic et Angelique Kerber qui sont passées à la trappe. Dans le Top 10, il ne reste plus que Sofia Kenin (4ème), Serena Williams (8ème) et Naoami Osaka (9ème) encore en lice. La tête de série n°1 du tournoi, Karolina Pliskova, avait pris la porte dès le deuxième tour contre Caroline Garcia.