C’était il y a dix jours seulement. La finale indécise entre Dominic Thiem et Novak Djokovic couronnait le Serbe pour la huitième fois à Melbourne, le replaçant sur le trône du tennis mondial par la même occasion. Pourtant, les duels homériques de ce dernier Open d’Australie semblent loin. Il laisse place au mois de février, ou celui de la déprime pour les amoureux de la petite balle jaune.

Le contraste est saisissant. Des nuits blanches au blues nocturne il n’y a qu’un pas, ou qu’un tournoi. Bye bye Melbourne, merci pour le spectacle et les émotions. Merci pour les surprises et les épopées. Direction Pune, New York, Cordoba, Montpellier, Buenos Aires. Le tennis est un peu partout en ce mois de février. Même au Cap et au Koweït où deux monstres sacrés de la raquette ont joué de leur image pour la bonne cause.

Rafael Nadal a ouvert une nouvelle académie de tennis, la plus grande du Moyen-Orient. Pour son inauguration, l’exhibition entre le monument espagnol et David Ferrer a vu le Majorquin disposer de son compatriote 6-4, 6-3, avant de s’envoler pour l’Afrique du Sud où un record l’attendait. Opposé à Roger Federer, le «Match in Africa» a rassemblé 51 954 personnes dans le Cape Town Stadium, celui-là même qui avait accueilli la Coupe du monde en 2010. Pour voir les meilleurs joueurs du monde, il fallait donc se rendre à une exhibition, bien connaître leurs sites d’entraînement ou savamment choisir son lieu de vacances. Car les petits tournois, eux, sont désertés par les meilleurs.

PORTÉS DISPARUS

Pas de Dominic Thiem, de Daniil Medvedev ou de Stefanos Tsitsipas à l’horizon. Encore moins de Novak Djokovic. Seuls deux membres du Top 10, Gaël Monfils et David Goffin, ont disputé une compétition officielle, à Montpellier, lors de la semaine post-Melbourne. A Buenos Aires, le mieux classé était Diego Schwartzman, 14ème à l’ATP. Tête de série n°3, Cristian Garin n’était «que» 36ème avant de s’imposer en finale face à l’Argentin. Et que dire de Pune, en Inde. Le joueur le mieux classé était Benoît Paire, 21ème. Son plus proche adversaire pointait au 69ème rang mondial. Une promenade de santé direz-vous ? Que nenni !

Le Français s’est incliné d’entrée face à l’Italien Marcora, 174ème mondial. Avec, en prime, une prise de bec entre les deux hommes à l’issue du match. Une performance dont seul Benoît Paire – Nick Kyrgios et Fabio Fognini mis à part – est capable. Pour preuve, il a réédité sa performance à Rotterdam en prenant la porte dès son premier match face à Aljaz Bedene, 52ème mondial.

Sacré en Inde, Jiri Vesely n’était quant à lui même pas dans le Top 100. Les cinq spectateurs (!) qui ont assisté à l’ouverture du tournoi doivent encore se demander comment le titre a pu échapper au Français. Reste Montpellier, tournoi remporté par Gaël Monfils. Sa victoire en finale, 7-5, 6-3, contre le Canadien Vasek Pospisil, hors du Top 100, veut tout dire…

L’apparente pauvreté du plateau en ce début du mois permet tout de même à certains joueurs d’accumuler des points ATP et de l’expérience, à l’image d’Egor Gerasimov. Le Biélorusse de 27 ans a progressé de 27 places pour atteindre son meilleur classement, 71ème. Si l’histoire est belle, le contexte interroge. Pourquoi organiser des tournois de tennis partout, n’importe où, si aucun des meilleurs (ou presque) n’y participe ? Cette relégation en «Ligue 2» du tennis mondial ennuie quelque peu.

Loin de moi l’idée de dénigrer les joueurs qui se battent pour intégrer le Top 100. Bien au contraire ! Il faut passer par là pour gagner son pain et glaner des points. Mais ne mériteraient-ils pas de jouer dans des stades pleins et de se battre pour affronter les meilleurs, au lieu de ne jouer que pour survivre à un circuit de plus en plus dur ? Même si les petits tournois font partie intégrante de la beauté de ce sport, ils en montrent aussi tous les mauvais côtés. Février est le mois le plus court de l’année (et encore 2020 est une année bissextile…), mais pour le tennis, c’est un jour sans fin.

L’INTÉRÊT SUPRÊME

La saison a commencé il y a un mois à peine et voilà déjà que le Top 10 disparaît presque totalement du circuit. Et ce pour la plus grande frustration des fans qui, parfois, voient les principaux noms des tournois rayés les uns après les autres. Le calendrier ATP se charge toujours plus (69 tournois cette année !) pour étendre sa visibilité, atteindre de nouveaux pays, de nouveaux publics… mais ce sont les corps qui trinquent. A vouloir être partout, le circuit ne rayonnera plus nulle part si les têtes d’affiche se blessent, ce qui est déjà le cas régulièrement. Tous y sont passés. Des plus grands aux plus prometteurs. Certains ont même vu leur carrière ruinée par les blessures (on pense à toi Juan Martin).

Chat échaudé craint l’eau froide, le tennisman professionnel protège désormais son intégrité physique au détriment du spectacle promis au public. Ce mois-ci, aucun Masters 1000. Pas de Grand Chelem. Alors à quoi bon jouer cinq matches pour gagner un tournoi qui rapporterait moins de points qu’une demie de Masters 1000 ? Quand on peut déjà prétendre à un résultat dans un tournoi d’une telle catégorie, la réponse est simple : à rien. Et ça, les joueurs le savent bien. Ils laissent donc la place à ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’enchaîner les tournois et les performances pour grimper au classement. Pendant ce temps, les meilleurs se reposent, se préparent et arrivent plus frais pour jouer quelques tournois par-ci par-là pendant les périodes creuses.

Les principales têtes d’affiche se répartiront donc les quatre tournois ATP 500 de février, à commencer par Rotterdam où le plateau est, il faut le dire, assez relevé. La «Next Gen» de Medvedev et Tsitsipas mais également Monfils et Goffin y seront. Quatre Top 10 dans un même tournoi de ce calibre, ce n’est pas si courant. Il restera ensuite Rio, Acapulco et Dubaï avant une coupure. Bienvenue pour certains, intenable pour les amoureux du circuit, elle permettra aux joueurs de préparer les Masters 1000 du mois de mars. L’habituel combo Indian Wells-Miami réunira cette fois le gratin du tennis mondial, frais et prêt à en découdre.

Ce sera, pour les fans, la fin de la déprime et le retour aux affaires. Enfin.