Cette année 2020 n’a décidément rien de normal. Alors que Roland-Garros débute demain, le coronavirus pend comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des joueurs et des joueuses engagées. Un virus qui a déjà fait des dégâts, aussi bien dans les allées que sur les courts de la Porte d’Auteuil. Entre la réduction de la jauge des fans autorisés à entrer et les forfaits contraints des joueurs testés positifs ou cas contacts, le tournoi se fait attaquer de toutes parts avant même le lancement du tableau principal. La Fédération française de tennis (FFT), déjà pointée du doigt lors de l’annonce de son report décidé unilatéralement, s’attire à nouveau les critiques du circuit.

Les amoureux de la petite balle jaune ont dû sentir un frisson leur parcourir l’échine au moment d’entendre Olivier Véran annoncer de nouvelles restrictions sanitaires. Le huis-clos n’est pas passé loin mais ce sont finalement 1 000 personnes par jour qui pourront se rendre Porte d’Auteuil et assister, en privilégiés, aux combats de gladiateurs sur la terre battue parisienne. Le coronavirus a encore frappé le contingent des supporters, et la menace plane sur Roland-Garros. Comme l’a annoncé la direction du tournoi, chaque joueur testé positif au Covid-19 sera immédiatement exclu. Si un membre de son équipe l’est, le joueur sera considéré cas contact et la décision sera la même. Des règles drastiques qui ont pour but de protéger au maximum les joueurs et ralentir l’épidémie. Nul doute que si Rafael Nadal, Novak Djokovic ou Dominic Thiem devaient être interdits de tournoi car un kinésithérapeute est malade dans leur équipe, la colère gronderait. Mais pour l’instant, la rage vient d’ailleurs, plus précisément d’Espagne et de Bosnie.

LE «DZUMHURGATE»

Et pour cause, les premiers à faire les frais de cette réglementation, ce sont Fernando Verdasco et Damir Dzumhur. Le premier a expliqué, dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, avoir été testé positif au coronavirus en août dernier mais en étant asymptomatique. Il pensait donc être tranquille pour le Majeur parisien. Or, à son arrivée, et bien que tout son entourage ait été testé négativement, lui a vu son échantillon revenir positif.

Résidu de virus non-contagieux, faux-positif, l’Espagnol a cherché les explications les plus logiques. Sauf que pour le tournoi, pas question de remettre en question le test, d’en faire un autre ou de laisser le bénéfice du doute au joueur. La décision est sans appel, Fernando Verdasco est exclu. «Je veux faire savoir à quel point je suis totalement frustré et révolté à l’encontre de l’organisation de Roland-Garros qui me prive de mon droit de participer à cet événement important sans même m’offrir la possibilité de passer un autre test avec un nouvel échantillon qui pourrait confirmer que le résultat du premier test était une erreur», a détaillé l’Espagnol, dont on comprend aisément la tristesse et la colère.

Pour le Bosnien, l’histoire pourrait aller encore plus loin. Testés négatifs à leur arrivée à Paris, Damir Dzumhur et son entraîneur Petar Popovic ont subi un nouveau test trois jours plus tard, positif pour Popovic. A nouveau, le protocole médical a été suivi à la lettre et le joueur s’est vu exclure du tournoi avant même d’avoir pu disputer son premier match de qualification. Le 21 septembre, de retour à Belgrade, l’entraîneur du Bosnien a subi un nouveau prélèvement pour un résultat négatif… De quoi faire enrager le désormais 114ème joueur mondial. «C’est réellement injuste qu’on n’ait pas eu de seconde chance parce qu’ils avaient assez de temps pour faire les tests supplémentaires et avoir les résultats avant mon premier match», a déploré l’intéressé, accusant même le tournoi d’avoir falsifié le résultat pour l’exclure. Et d’abonder : «Ce que je veux c’est la justice. Et ma justice a été rendue au moment des tests négatifs en Serbie. Ça a montré qu’on disait la vérité», a pesté le Bosnien sur les réseaux sociaux.

PAS UN CAS ISOLÉ

Le nerf de la guerre, c’est l’argent. Le problème pour Damir Dzumhur, c’est que les 10 000 euros promis à tout joueur disputant les qualifications lui passent sous le nez, alors même que les frais des billets d’avion, du logement et du transport sur place ont dû être réglés par le joueur. Après réflexion, il a décidé d’attaquer le tournoi en justice pour obtenir une réparation qui, à défaut d’être tennistique, serait financière. Du moins, il l’espère. «La nuit dernière, l’avocat, mon coach et moi avons lu ensemble ce que l’avocat a dit et écrit. Il a envoyé un e-mail à Roland Garros en leur demandant une compensation pour toutes les pertes financières, et s’ils refusent, ça ira au tribunal», a expliqué Dzumhur, abattu mais pas résigné. Une première affaire qu’il faudra suivre avec attention car elle pourrait bien servir de jurisprudence.

Chez les femmes, un cas similaire a été constaté, quelques jours à peine après l’affaire «Dzumhur». Katarzyna Kawa, 128ème à la WTA, s’apprêtait à disputer les qualifications quand un test positif l’a contrainte à déclarer forfait. Encore une fois, cela signifie que le prize-money lui file entre les doigts. Comme pour Popovic, la Polonaise a effectué un nouveau test de retour à son domicile qui, comme pour l’entraîneur de Dzumhur, s’est révélé négatif. Sur Facebook, la joueuse s’est confiée sur son ressenti : «Il m’a été très difficile d’accepter le fait d’être infectée par le Covid-19. Étant donné que je n’étais pas tout à fait convaincue de l’efficacité de ce test, j’ai fait un autre test en Pologne. Il s’avère qu’il est NÉGATIF ! En 5 jours, 2 tests sur 3 sont négatifs. (…) D’ un côté, c’est un soulagement, de l’autre, une énorme déception, pleine de colère et de tristesse.»

DURA LEX, SED LEX

La fiabilité des tests pose question et est pointée du doigt par les joueurs mis au ban du tournoi. Surtout, la réglementation interdisant un second test pour vérifier la véracité du premier, un peu à l’image d’un contrôle anti-dopage avec plusieurs échantillons, passe mal auprès des joueurs. La pression est donc énorme sur tous les participants qui, d’un jour à l’autre et sans pouvoir se «défendre», pourraient voir leur tournoi s’achever prématurément. Sachant que des traces d’une contamination passée peuvent être retrouvées, comme ce fut le cas cette semaine pour Benoît Paire à Hambourg, tous les joueurs ayant déjà contracté le coronavirus seront scrutés avec une attention toute particulière… N’est-ce pas Novak Djokovic ?

Et les forfaits ne s’arrêtent pas là. Ajoutez à ces retraits contraints ceux de l’Ouzbek Denis Istomin, du Serbe Pedja Krstin, de l’Américain Ernesto Escobedo et de l’Espagnol Bernabe Zapata Miralles, et voilà qu’au total ce sont six joueurs, dont trois cas contacts, et une joueuse qui ont dû renoncer à défendre leurs chances avant même leur premier coup de raquette. Et dire que le grand tableau n’a toujours pas débuté…