Sur un court de tennis, Gaël Monfils est capable du meilleur comme du pire. Et il sait même passer de l’un à l’autre en l’espace de quelques minutes pour donner vie à un mélange dont lui seul a le secret, aussi amer qu’envoûtant. Cet élixir, les spectateurs du Suzanne-Lenglen ont pu y goûter ce 30 mai 2015. Opposé à l’Uruguayen Pablo Cuevas, Gaël Monfils aurait pu choisir l’autoroute pour rejoindre les huitièmes de finale où l’attendait Roger Federer. Mais le Français a préféré prendre un malin plaisir à se compliquer la vie. Lui-même ne sait probablement pas comment il en est arrivé là, mais empêtré dans une situation désespérée, il est parvenu à faire parler sa folie pour se sortir d’un très mauvais pas.

Ce match est finalement à l’image de sa carrière. Le potentiel existe, c’est une certitude, il est même immense. On peut l’apercevoir par intermittence, mais au bout du compte, il apparaît cependant comme un mirage lointain et accessible en même temps. Tel est le paradoxe Monfils. Car s’il peut se targuer d’avoir le statut officieux de joueur le plus athlétique du circuit, ses épaules n’ont jamais réussi à endosser le costume du joueur le plus constant. La Monf’ peut sortir un match exceptionnel pour battre Federer ou Nadal, et perdre contre un illustre inconnu deux jours plus tard.

FEDERER NE COMPREND PAS POURQUOI MONFILS NE S’EST PAS INSTALLÉ DANS LE TOP 10 

Pour lui comme pour les supporters français, la frustration est malheureusement à son paroxysme, tout comme l’incompréhension. Même Roger Federer ne comprend pas. «Franchement, je ne comprends pas pourquoi Gaël n’a pas réussi à s’installer facilement, et je dis bien facilement, dans les 10 ATP», avait ainsi lancé le Suisse avant de retrouver le Français en huitièmes de finales à Roland-Garros en 2015. Et le Parisien sortait alors d’un match qui résume autant la folie qui l’habite que le gâchis d’une carrière qui pourrait être plus étincelante, bien que déjà largement respectable.

Contre Pablo Cuevas, spécialiste uruguayen de terre battue, Gaël Monfils semblait parti pour essuyer une défaite très décevante au troisième tour d’un tournoi du Grand Chelem qu’il affectionne tant. Il avait même atteint le dernier carré en 2008. Mais face au 23ème mondial, le Français ne parvenait pas à trouver le bon rythme pour prendre l’ascendant. Malgré une légère réaction pour s’adjuger le tie-break du deuxième set et ainsi revenir à une manche partout, la Monf’ semblait fébrile. Et encore davantage lorsqu’il s’est retrouvé mené deux manches à une. Après la perte du troisième set, la venue du kiné pour le genou gauche du Parisien, qui sortait déjà d’un match en cinq sets au tour précédent contre Diego Schwartzman, n’augurait rien de très bon pour lui dans son match. Impression rapidement confirmée avec un Pablo Cuevas menant facilement 4-1 dans le quatrième set face à un Gaël Monfils alors fantomatique.

DE 1-4 à 6-4 AU QUATRIÈME SET, MONFILS A TRANSFORMÉ LE LENGLEN EN VOLCAN

Difficile alors d’imaginer le Français capable de se tirer de cette situation désespérée… Mais la Monf’ possède en lui un remède miracle pour revenir de l’enfer et enflammer le public en quelques coups de raquette. Comme par magie, une tornade parisienne s’est alors abattue sur un court Suzanne-Lenglen entré soudainement en fusion devant la folie de Gaël Monfils. Et sans que personne ne comprenne vraiment comment, Monfils est passé de 1-4 à 6-4 en un clin d’œil pour s’adjuger la quatrième manche et ainsi s’offrir le droit de disputer un cinquième set devant un public en délire complètement acquis à la cause du Français.

Avide en sensations fortes dans ce troisième tour, Monfils avait visiblement envie de donner quelques sueurs froides supplémentaires aux spectateurs du Lenglen… Ainsi, lorsque le Français a été break d’entrée de cinquième set, ce fut la supéfaction dans les gradins. Mais ces derniers n’ont pas tardé à rugir à nouveau de plaisir devant les coups de génie de la Monf’ qui a tout de suite rectifié le tir pour s’envoler une bonne fois pour toutes vers la victoire. Cette dernière est venue sur un dernier coup droit après 3h30 de jeu. Monfils pouvait enfin crier sa rage sur un Lenglen transformé en volcan. Après tant de montagnes russes, on ne savait plus si l’on devait adorer ou détester Gaël Monfils. Mais comment lui en vouloir ?