Dans une ère dominée par le fameux «Big 3», Andy Murray et Stan Wawrinka font figure d’extraterrestres. Et pour cause, face aux aliens que sont Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic, ils ont réussi à remporter, chacun, trois titres du Grand Chelem. En gagner un est déjà un exploit incroyable. Demandez plutôt à Juan Martin Del Potro ou Marin Cilic. Mais trois fois, c’est une performance unique. En 2016, le Britannique et le Suisse ont ainsi ajouté un troisième tournoi du Grand Chelem à leur palmarès, à Wimbledon pour le premier et à l’US Open pour le second.

Andy Murray a même réalisé une saison exceptionnelle cette année-là en remportant neuf titres, dont Wimbledon donc et la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Rio, avec une formidable série de 24 victoires consécutives, auréolée de cinq titres de suite, pour conclure l’année à la première place mondiale. Oui mais voilà, Murray et Wawrinka ont un peu perdu de leur superbe en 2017 et vivent une saison en dents de scie dans une année marquée par la résurrection de Roger Federer et Rafael Nadal.

Toutefois, les deux joueurs retrouvent leur splendeur à Roland-Garros. Andy Murray enchaîne des succès très probants contre Del Potro, Khachanov et Nishikori pour atteindre le dernier carré, tandis que Stan Wawrinka écarte facilement de sa route Fognini, Monfils et Cilic pour retrouver l’Écossais. En 2016, ils s’étaient déjà croisés aux portes de la finale et Murray l’avait emporté en quatre sets. Un an plus tard, l’histoire sera bien différente… et surtout beaucoup plus mémorable.

WAWRINKA EN AGRESSEUR, MURRAY EN DÉFENSEUR

Dès le premier set, le Philippe-Chatrier a rapidement compris qu’il allait en avoir pour une bonne partie de l’après-midi avec ces deux bagarreurs. Longue de 71 minutes, la première manche a ainsi donné le ton d’un marathon dont Murray a pris les commandes en effaçant son break de retard alors que Wawrinka servait pour le set puis en remportant un jeu décisif dans le quel il a pris soin de sauver une balle de set. Dès lors, les rôles étaient attribués. Wawrinka serait dans la peau de l’agresseur, Murray dans celle du défenseur.

Ébranlé par la perte d’un set qui n’aurait jamais dû lui échapper des mains, le Suisse a logiquement douté. Mais alors qu’il était mené 7-6, 3-2, il a placé un brutal coup d’accélérer pour marquer sept jeux consécutifs. Une sacrée série qui lui a permis de gagner le deuxième set (6-3) puis de mener 3-0 dans le troisième. Le «Stanimal», qui avait fait si mal à Djokovic en finale Porte d’Auteuil en 2015, semblait alors de retour, mais c’était sans compter sur Andy Murray qui, fort de son statut de n°1 mondial, a pris un malin plaisir à rendre fou Wawrinka en comblant son retard dans la troisième manche avant de remporter cette dernière. Le tout en prenant trois fois le service du Suisse durant le set. Place alors au quatrième set, le chef-d’œuvre de cette rencontre…

UN QUATRIÈME SET AU COUTEAU

Les frappes sont devenues de plus en plus lourdes et les points extraordinaires se sont enchaînés devant un public parisien ébahi par ce qu’il voyait sur le court. Pourtant, malgré une sacrée débauche d’énergie des deux côtés pour faire la différence le Britannique et le Suisse n’ont concédé aucune balle de break dans cette quatrième manche. Comme au premier set, le tie-break serait donc le juge de paix. De plus en plus incisif, Wawrinka l’a logiquement remporté sur un dernier retour en coup droit imparable dans l’angle du terrain. Le doigt pointé vers sa tête, «Stan The Man» s’offrait après quatre heures de jeu le droit de disputer un cinquième set. La manche de trop pour un Murray épuisé par tant d’efforts. Complètement lessivé, l’Écossais ne parviendra à inscrire qu’un seul jeu dans cette dernière manche malgré une belle résistance.

Après 4h34 de bagarre, Stan Wawrinka sortait vainqueur d’une demie d’anthologie. Il aura fait le jeu comme en témoignent ses 87 coups gagnants, contre 36 pour Murray. Après ce match épique, Wawrinka, fatigué, se fera balayer par Rafael Nadal en finale. Mais le Suisse et le Britannique verront surtout leur saison s’arrêter à Wimbledon, le premier étant touché par une blessure au genou gauche et le deuxième par une hanche droite douloureuse. Pour les deux champions, ce fut alors le début d’une longue traversée du désert.

Ce monument sur le Philippe-Chatrier aura laissé des traces…