Après plus de six mois sans compétition, Rafael Nadal a enfin effectué son retour sur le circuit à l’occasion du Masters 1000 de Rome, exceptionnellement déplacé en septembre dans le calendrier à cause de la pandémie de Covid-19. Dans la capitale italienne, l’Espagnol était particulièrement attendu puisqu’il s’agissait non seulement de son premier tournoi depuis la reprise du tennis professionnel, mais surtout de son seul tournoi de préparation pour Roland-Garros, son jardin parisien où il est quasiment invincible avec douze titres glanés en quinze éditions.

Lorsque Nadal a pénétré la semaine passée sur le court central du Foro Italico, 465 jours après son douzième sacre Porte d’Auteuil, pour affronter son compatriote Pablo Carreño Busta, demi-finaliste de l’US Open, les attentes étaient grandes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas déçu en étrillant son malheureux adversaire, qui n’a visiblement pas eu le temps d’atterrir de New York, avec une écrasante victoire 6-1, 6-1, en seulement 1h13 de jeu. Avec 20 coups gagnants, 80% de points gagnés derrière sa seconde balle et une seule balle de break concédée, le Majorquin a plus que réussi sa rentrée. Cette première impression positive a rapidement été confirmée par une seconde avec un succès facile contre le Serbe Dusan Lajovic (6-1, 6-3) lors de laquelle il aura enchaîné huit jeux consécutifs. On se disait alors que le Rafael Nadal imbattable sur terre battue était bien de retour et qu’il n’allait laissé que des miettes à la concurrence, aussi bien à Rome qu’à Paris…

TROIS MATCHES ET PUIS S’EN VA DE ROME…

Pourtant, il a fallu attendre seulement son troisième match sur la terre battue italienne pour voir l’Espagnol se prendre les pieds dans le tapis ocre. Contre un Diego Schartzman qui avait à cœur de faire oublier sa défaite dès le premier tour de l’US Open, Nadal a été malmené en fond de court, là où il est pourtant quasiment injouable, et a produit énormément de déchets, notamment sur son service et en coup droit.

Si en face l’Argentin a livré une prestation de haute volée, n’hésitant pas à attaquer Nadal sur son coup droit, le Majorquin a semblé par moment impuissant. Avec 30 fautes directes en deux sets, 38% de points gagnés dans les échanges dépassant les quatre coups de raquette, 43% de premières balles et seulement 48% de points gagnés derrière celle-ci, il était impossible de s’en sortir. Même lorsque l’on s’appelle Rafael Nadal et que l’on joue sur terre battue.

UN SEUL TOURNOI DE PRÉPARATION, CONTRE QUATRE HABITUELLEMENT

Évidemment, cette année est particulière à bien des égards et il serait donc prématuré d’enterrer tout de suite l’Espagnol avant même le début de Roland-Garros. Quand il avait perdu deux finales consécutives contre Novak Djokovic, à Madrid puis Rome, en 2011, on pensait le Majorquin en grand danger à Paris. Pourtant, il avait raflé la mise sur la terre battue parisienne en battant Roger Federer en finale. Même chose l’an passé alors qu’il avait perdu trois demi-finales consécutives sur terre battue (Monte-Carlo, Barcelone et Madrid).

Cependant, à la différence de toutes les saisons sur terre battue disputées par Nadal depuis le début de sa carrière, il n’a pas plusieurs semaines pour se rôder et gommer ses erreurs avant le coup d’envoi du Grand Chelem parisien. Là où habituellement il prend part chaque année à quatre tournois (Monte-Carlo, Barcelone, Madrid et Rome) pour préparer Roland-Garros, il n’en a joué qu’un seul en 2020 lors duquel il n’a disputé que trois rencontres. Trop peu pour retrouver du rythme et faire le plein de confiance avant l’échéance parisienne.

Certes, Nadal a eu tout le loisir de s’entraîner du matin au soir dans son académie sur son île de Majorque, mais rien ne remplace l’intensité et l’exigence de la compétition. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir l’Espagnol essuyer quelques sueurs froides en première semaine à Roland-Garros. John Isner n’était d’ailleurs pas passé loin de créer la sensation dès le premier tour en 2011. Le Majorquin monte en puissance à mesure que le tournoi progresse pour livrer son meilleur tennis en fin de quinzaine.

DES CONDITIONS DE JEU INHABITUELLES À ROLAND-GARROS

Cette année, il n’aura pas le temps de se régler sur plusieurs semaines pour arriver à Roland-Garros dans les meilleures dispositions. Il faut être au top tout de suite, sous peine de prendre la porte très tôt dans le tournoi. Point positif toutefois, l’Espagnol est parfaitement conscient de ses lacunes actuelles et compte bien mettre à profit cette semaine entre Rome et Paris pour les corriger le plus rapidement possible. «On ne peut pas gagner en perdant autant de fois son service», a-t-il ainsi très justement souligné après sa défaite contre Diego Schwartzman à Rome. «Je dois régler ça. Je sais comment faire. Ce n’est pas le moment de chercher des excuses. Je dois simplement accepter d’avoir mal joué et d’avoir perdu», avait-il ajouté. Pas le temps de se lamenter donc, il faut tout de suite se remettre en selle.

Pour la première fois de sa carrière, Rafael Nadal débarquera à Roland-Garros sans le moindre titre sur terre battue, ni même un match référence, pour aborder le tournoi avec une once de confiance. Et pour ne rien arranger au cas de l’Espagnol, le Grand Chelem parisien se tient cette année entre fin septembre et début octobre dans des conditions qui devraient être logiquement bien plus humides que fin mai. Avec des températures plus basses, de la pluie et des terrains plus humides, la balle est plus lente et les rebonds sont moins hauts. Tout l’inverse de ce qu’affectionne Rafael Nadal, qui n’est jamais aussi impérial sur ocre que quand la terre est sèche sous un soleil de plomb. Un cadre idéal pour l’Espagnol avec une balle qui est plus rapide et des rebonds plus hauts qui lui permettent de mettre en place sa machine destructrice.

Cette année, il faudra donc revoir son plan de bataille du côté du Majorquin. Pour Nadal, ce Roland-Garros 2020 sera le grand saut dans l’inconnu… Si la route vers un nouveau sacre Porte d’Auteuil – ce serait le treizième – sera peut-être plus sinueuse que d’habitude pour Nadal, il n’en reste pas moins le grandissime favori. Si le Majorquin reste invaincu à Roland-Garros, il ne sera plus qu’à un match d’un millième succès sur le circuit ATP.

Mais c’est encore loin d’être fait…