Décidément, Naomi Osaka aime les situations chaotiques pour soulever les trophées. Dans une finale qui s’est balancée d’un côté puis de l’autre dans un stade vide, c’est finalement la Nippone, déjà titrée à Flushing Meadows il y a deux ans, qui s’est imposée (1-6, 6-3, 6-3) face à Victoria Azarenka. La Biélorusse y a cru pendant 40 minutes, le temps que la Japonaise se réveille. Pour la 27ème joueuse mondiale, c’est la troisième désillusion en finale d’un tournoi qu’elle n’a jamais remporté.

Lorsque le tableau des scores affichait 6-1, 2-0, peu auraient parié sur une victoire finale de Naomi Osaka dans cet US Open, tant elle était martyrisée par son aînée. Forte de sa victoire (par forfait de Naomi Osaka) il y a deux semaines lors du tournoi de Cincinnati, délocalisé à New York pour limiter les risques sanitaires, Victoria Azarenka abordait le Grand Chelem américain avec le plein de confiance.

Pendant presque 40 minutes, la Biélorusse semblait idéalement partie pour chasser ses vieux démons et oublier les deux défaites subies en finale à Flushing face à Serena Williams, sa victime en demie cette année. Azarenka servait le feu et renvoyait tout. Double break en poche, «Vika» n’a laissé que des miettes à son adversaire, ne commettant que trois malheureuses fautes directes. Dans le même temps, la Japonaise est retournée sur sa chaise avec un set perdu 6-1 et 13 fautes directes commises.

Débarrassée de ses déboires judiciaires pour la garde de son fils Leo, Azarenka était alors en bonne voie pour ajouter la touche finale à son retour fracassant au premier plan. D’entrée de deuxième set, la triple finaliste de l’US Open a étouffé la lauréate de l’édition 2018 pour faire le break. On se disait alors que le match était plié et que la Biélorusse de 31 ans allait offrir au tennis une belle histoire qui restera dans les annales du tournoi. Oui mais voilà, la Japonaise a de la ressource. En effaçant immédiatement son break de retard, elle a déréglé la machine Azarenka. Mais à ce moment-là, personne ne le savait encore…

ET OSAKA SE RÉVEILLA…

La Japonaise venait de se réveiller et s’apprêtait alors à rouler sur son adversaire. Elle a commencé à enchaîner les coups gagnants (11 dans la deuxième manche, sans en avoir réalisé un seul lors des deux premiers jeux). A contrario, Azarenka s’est effondrée, passant de dix coups gagnants dans les quatre premiers jeux à seulement deux dans les cinq suivants. La tendance s’est totalement inversée. Osaka ne commettait plus de fautes ou presque (5), quand la Biélorusse enchaînait les erreurs (10). La précision chirurgicale venait de changer de camp. Sur sa quatrième balle de set, la Japonaise de 22 ans revenait à hauteur de son aînée et ne comptait pas relâcher l’étreinte.

Naomi Osaka a démarré le troisième set de cette finale comme elle a fini le deuxième, tambour battant. Elle s’est rapidement détachée pour mener 4-1 et même s’offrir deux balles de 5-1. C’est à ce moment que le caractère de championne d’Azarenka a resurgi. Quitte à perdre, autant ne rien regretter ! Elle lâcha alors ses coups et sauva son service. Son adversaire s’est tendue, au point de passer un peu au travers dans le jeu suivant, juste assez pour laisser la Biélorusse revenir dans le match. D’un cri de rage qui résonne encore dans le plus grand stade de tennis au monde, Osaka évacua sa frustration.

La Japonaise n’a peut-être pas encore 23 ans, mais elle a déjà de l’expérience. Double lauréate en Grand Chelem et ancienne n°1 à la WTA, Naomi Osaka connaît bien la recette du succès. Elle s’est reconcentrée et a alors appuyé davantage ses coups. C’est donc la cadette de ce match qui a eu le dernier mot. Sur une ultime faute directe de la Biélorusse, la neuvième du set, Naomi Osaka a remporté l’US Open. Son deuxième, et le troisième Majeur de sa jeune carrière.

UNE FINALE PLUS PAISIBLE QU’IL Y A DEUX ANS

Pour l’aînée des deux finalistes, le coup est rude à encaisser. Elle qui pensait avoir fait le plus dur lors de sa demi-finale, se débarrassant de son bourreau lors des deux finales perdues à New York, la voilà défaite par une joueuse qui pourrait régner sur le tennis féminin lors des dix prochaines années. C’est son troisième échec de rang en finale de l’US Open, qu’elle n’a toujours pas réussi à gagner. Si la frustration doit être grande, Victoria Azarenka peut surtout être fière de son parcours, car après plusieurs superbes combats, elle a chuté face à celle qui avait fait craquer Serena Williams, alors à deux doigts de soulever son 24ème titre en Grand Chelem.

C’était il y a deux ans, Naomi Osaka était, si ce n’est inconnue, loin d’être favorite pour gagner l’US Open. Et pourtant, cette finale 2018 reste encore gravée dans les mémoires de tous les passionnés de la petite balle jaune. «Vous me devez des excuses ! Vous êtes un voleur !», avait hurlé Serena Williams à l’arbitre portugais Carlos Ramos, pourtant l’un des juges de chaise les plus respectés du circuit. La raison ? Un avertissement pour coaching que l’Américaine n’avait pas supporté. Alors jeune maman, elle avait craqué, l’accusation de triche était insurmontable pour elle et les valeurs qu’elle cherche à transmettre à sa fille. À moitié en larmes, Serena Williams était totalement sortie de son match et s’était perdue sur le court. Face à elle, Naomi Osaka avait surtout fait parler son mental, ne se laissant pas distraire par cette situation lunaire pour décrocher le premier Majeur de sa carrière.

Nombreux journalistes et observateurs avaient à l’époque critiqué l’Américaine, l’accusant de «voler» la joie de la Japonaise. Cette fois, c’est dans un stade Arthur-Ashe désespérément vide qu’Osaka s’est imposée. Si l’édition 2020 de cet US Open ne ressemblera à aucune autre et restera à part dans l’histoire, la victoire de l’ancienne n°1 mondiale ne souffre cette fois d’aucune contestation. Naomi Osaka va pouvoir savourer, à l’image de ces quelques secondes passées allongée sur le court, un instant où le temps, suspendu, s’était transformé en heures. Un rêve devenu réalité. Ce lundi, elle sera troisième à la WTA et s’alignera à Roland-Garros dans deux semaines pour tenter d’ajouter un quatrième tournoi du Grand Chelem à son palmarès.