Il est l’ultra-favori, le joueur à abattre. Et malgré une préparation moins impressionnante qu’à l’accoutumée, Rafael Nadal fait figure d’épouvantail. Décalée d’une semaine, l’édition 2021 de Roland-Garros débute ce dimanche. Et celui qui s’est imposé à treize reprises sur l’ocre parisien jouit d’un statut à part… Ce n’est pas la statue à l’effigie de l’Espagnol, inaugurée Porte d’Auteuil, qui prouvera le contraire. Nadal vainqueur à Roland, c’est devenu un marronnier, une habitude. L’info tennis de la mi-juin. Et pourtant cette année, cela pourrait bien changer. Certes, la question «Qui pourrait battre Nadal ?» est devenue celle que tout le monde se pose au mois de mai depuis quinze ans. Mais cette année encore, ils seront quelques-uns à avoir un rôle important dans l’issue finale de ce Roland-Garros.

TSITSIPAS, L’ADVERSAIRE NUMÉRO 1

Malheureux à Paris ces dernières années, Stefanos Tsitsipas semble cette fois avoir franchi un cap. Oubliée la cruelle défaite au bout du suspense face à Stan Wawrinka en 2019. Après plus de 5 heures de jeu, le Grec avait rendu les armes, 8-6 au cinquième set. Oubliée aussi l’autre défaite en cinq manches, l’année dernière, contre Novak Djokovic. Face au Serbe, le joueur hellène avait bien failli réaliser un retour extraordinaire mais, après avoir remonté deux sets de retard, il avait manqué de jus pour battre son aîné et atteindre la finale Porte d’Auteuil.

En 2021, Tsitsipas a réalisé une préparation qui le place comme le principal adversaire de Rafael Nadal à Paris. À Monte-Carlo tout d’abord, il a profité du faux-pas, inhabituel, de l’Espagnol en quarts de finale face à Rublev pour s’adjuger le titre face au Russe. 40 ans après sa mère, le Grec s’est imposé en Principauté et a débloqué son compteur en Masters 1000.

Une bonne forme confirmée à Barcelone la semaine suivante puisque le Grec, pas rassasié par son succès en terre princière, a défié Nadal lors d’une finale explosive. Un combat de 3h40 finalement remporté par l’ogre espagnol, non sans avoir eu à sauver une balle de match. Après une sortie de route précoce à Madrid face à Casper Ruud en huitièmes de finale, Tsitsipas s’est remis en ordre de marche à Rome.

A nouveau, il est passé tout près de battre un membre du «Big 3». Face à Novak Djokovic, Stefanos Tsitsipas a livré un combat de plus de 3h15 sur deux jours. Dans des conditions pluvieuses, il pensait avoir fait le plus dur mais le Serbe, souvent touché mais rarement coulé, avait finalement eu raison du cinquième joueur mondial. Philosophe, le Grec semble s’être nourri de cette saison terrienne, faite de très hauts et de quelques légers bas, pour arriver mentalement prêt à Paris, s’offrant sur la route un autre titre à Lyon. Opposé à Jérémy Chardy au premier tour Porte d’Auteuil, le Grec devra se montrer sérieux pour éviter une terrible désillusion.

DJOKOVIC, LA COURSE-POURSUITE

L’autre adversaire de taille pour Nadal, c’est évidemment le n°1 mondial. Impuissant l’an passé sur le Philippe-Chatrier, le Serbe avait pris une bulle d’entrée de finale face à l’Espagnol. Défait en trois manches, Novak Djokovic avait affiché ses limites face à un Rafa intouchable (pas le moindre set perdu lors du tournoi). Cette année, il va devoir batailler pour déloger le maître des lieux, sans même être sûr de ramener le trophée ! En effet, le tirage au sort a placé les deux hommes dans la même moitié de tableau, en compagnie d’un certain Roger Federer… Battre Nadal ne signifiera pas soulever la Coupe des Mousquetaires cette année pour le Serbe. Mais il ne faut pas faire de plan sur la comète, surtout que la répétition générale entre les deux hommes, en finale à Rome, a sacré… Nadal !

Seul lot de consolation pour le «Djoker», la deuxième manche brillamment remportée 6-1 face à un Rafa plus que moyen. Parti se rassurer sur ses terres serbes cette semaine, à Belgrade, tout n’a pas été parfait mais l’essentiel est assuré puisque Novak Djokovic repart avec le titre à domicile. Pour la confiance en revanche, on repassera. Car c’est bien ça qui risque de manquer au n°1 mondial. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il a plus marqué sa saison sur terre par sa nervosité que par son niveau de jeu. Invectivant l’arbitre, multipliant les approximations et les sautes de concentration, le Serbe n’a pas fait le plein dans la tête. Son premier tour contre Tennys Sandgren sur la terre battue parisienne servira de test pour les nerfs du «Djoker».

FEDERER, THIEM, MEDVEDEV : LES INCONNU(E)S

Il y a les favoris assumés, et ceux qu’on ne sait pas où ranger. Dans cette case des inclassables, trois noms sortent du lot. Tout d’abord, l’increvable Roger Federer. À bientôt 40 ans, le Suisse démarre ce qui ressemble de plus en plus à une tournée d’adieu. Le gel du classement ATP a bien aidé Federer qui, malgré un an d’absence, conserve une inespérée huitième place mondiale. Mais la réalité du terrain l’a vite rattrapé.

Sa reprise a tourné court à Genève, où l’Helvète s’est incliné d’entrée face à Pablo Andújar. S’il s’est entraîné dans la bonne humeur avec Gaël Monfils ces derniers jours, impossible d’avoir une idée précise de sa condition. Il faut tout de même bien reconnaître que voir Federer remporter son deuxième trophée Porte d’Auteuil relève plus du fantasme que d’une réelle option. Face au qualifié Denis Istomin, le Suisse devra se montrer expéditif pour préserver ses chances et garder des forces pour la suite.

L’autre point d’interrogation de ce Roland-Garros, c’est le double finaliste Porte d’Auteuil, Dominic Thiem. Un peu plus proche chaque année de la Coupe des Mousquetaires, poussant Rafael Nadal dans ses retranchements, l’Autrichien avait eu du mal à digérer son sacre à l’US Open l’an passé. A Paris, il avait cédé après une bataille épique de plus de 5 heures contre Diego Schwartzman. Depuis, le quatrième joueur mondial a eu beaucoup de mal à enchaîner. Sur sa surface de prédilection, Thiem n’a franchement pas convaincu. Bien au contraire…

S’il a fait plutôt belle impression à Madrid, seulement battu aux portes de la finale par le futur vainqueur, Alexander Zverev, il n’a passé qu’un tour en Italie avant de chuter contre le phénomène transalpin de cette semaine romaine, Lorenzo Sonego. Enfin, le coup de poker lyonnais de Dominic Thiem, ajouté à son programme au dernier moment, n’a pas payé. Une pâle copie et une sortie immédiate contre Cameron Norrie, alors 49ème à l’ATP. Entre décompression post-US Open, crise de confiance et manque de résultats, l’Autrichien aura fort à faire face à… Pablo Andújar, encore lui.

Reste l’énigme Daniil Medvedev. Incapable de passer un tour à Paris, ses récentes sorties sur la «pire surface du monde» à ses yeux ne sont pas de nature à rassurer les fans du géant russe. Lui qui «déteste être sur le court» quand il s’agit de fouler l’ocre n’a pas failli à sa réputation ces dernières semaines. «Vous aimez être dans la poussière comme un chien ?», pestait le deuxième joueur mondial en plein match contre son compatriote Aslan Karatsev, la révélation de ce début de saison. Un match perdu, comme c’est étrange.

Pourtant, Medvedev l’assure, il se sent prêt. «Je pense que je vais faire un très bon tournoi», confie même le Russe à nos confrères de L’Équipe. Et d’abonder : «Je ne sais pas si la balle a changé, ou si ce sont les conditions. Toute personne qui n’aime pas la terre battue pourrait aimer ces conditions. Moi, j’aime bien.» Il faudra donc se méfier de la tête de série n°2, opposé à l’imprévisible Kazakh Alexander Bublik. Pour enfin rejoindre le filet en vainqueur sur la terre battue parisienne ?

ZVEREV, SINNER : LES GROSSES COTES

S’il y a un outsider sur qui miser rapporterait gros, c’est Alexander Zverev. En pleine bourre, l’Allemand s’est offert le scalp de Nadal, en deux sets s’il vous plaît, à Madrid avant de battre Dominic Thiem. En finale, il a dominé Matteo Berrettini pour s’offrir le quatrième Masters 1000 de sa carrière. Mais ce pari n’est pas sans risque, car hormis ce coup d’éclat, le sixième joueur du monde s’est pris les pieds dans le tapis dès les huitièmes à Monte-Carlo, et son impasse à Barcelone n’aura pas eu l’effet escompté puisque l’Allemand s’est incliné à Munich en quarts de finale face au Biélorusse Ilya Ivashka, alors 107ème à l’ATP. Capable du pire comme du meilleur, reste à savoir si c’est à Docteur Alexander ou Mister Zverev auquel nous aurons droit. A moins qu’il fasse comme lui seul sait le faire, et nous offre les deux.

L’autre grosse cote de ce Roland-Garros, c’est Jannik Sinner. En constante progression depuis quelques années, la pépite italienne ne cesse de faire parler d’elle. Malheureusement, le tirage au sort ne l’a jamais épargné lors de sa préparation, tombant tantôt contre Novak Djokovic, tantôt contre Rafael Nadal. Et quand il a réussi à atteindre le dernier carré (à Barcelone), c’est Stefanos Tsitsipas qui lui a barré la route. Si le jeune Transalpin paraît encore un peu court pour avoir de réelles chances d’aller au bout, il faudra suivre attentivement son tennis créatif. Attention tout de même, son premier tour contre Pierre-Hugues Herbert promet d’être explosif dans une arène totalement acquise à la cause du Français.

ET LES FRANÇAIS DANS TOUT ÇA ?

Le tournoi n’a pas commencé mais déjà la FFL (Fédération Française de la Lose) peut se régaler avec nos Bleus. 0/21 en qualifications, les Tricolores ont fait fort, très fort. La vraie loose à la française, celle avec des balles de match, comme les trois d’Evan Furness au dernier tour des qualifications, qui plus est. Mais à l’arrivée, c’est un terrible zéro pointé. Certes, les meilleures chances françaises ont pu profiter d’une invitation pour s’éviter le tournoi qualificatif, mais tout de même. En 2018, déjà, aucun Bleu n’avait pu intégrer le tableau final. Un triste bilan, pas si vieux, déjà effacé des tablettes de la médiocrité.

Ils seront donc 18 sur la ligne de départ Porte d’Auteuil avec l’espoir aller plus ou moins loin. Bonne ou mauvaise nouvelle, au moins un Français ralliera le deuxième tour et un autre restera sur le carreau, puisque la révélation de l’édition précédente, Hugo Gaston, défiera Richard Gasquet. Gaël Monfils, qui part avec un confiance-mètre à zéro après une grosse coupure et une seule petite victoire en 15 mois, affrontera Albert Ramos-Viñolas, quand Jo-Wilfried Tsonga défiera Yoshihito Nishioka. Enfin, Benoît Paire (qui a demandé à ses fans un soutien sans faille sur les réseaux sociaux malgré ses frasques récentes), aura fort à faire face à un gros morceau, Casper Ruud.

Si les questions sont multiples, il n’y aura qu’un seule réponse, celle du court.

Alors messieurs, à vos raquettes !