La menace plane dans le ciel parisien. Celle de voir un Roland-Garros complètement gâché par le coronavirus. Les règles sont strictes, très strictes. Un joueur positif ? Exclu. Un membre se son staff testé positif ? Même sanction pour le joueur. L’angoisse risque d’être permanente pour les centaines de participants du Grand Chelem parisien dans ces premiers jours. Un stress qui peut, à tout moment, laisser sa place à de la colère et de la déception. Demandez à Fernando Verdasco, Damir Dzumhur ou à Katarzyna Kawa. Au total, le Covid-19 a déjà fait six victimes pendant les qualifications et une dans le tableau principal. Et qui sait jusqu’où les dommages pourraient aller ?

Benoît Paire le sait mieux que personne. Lui qui a encore été testé positif cette semaine à Hambourg, sans pour autant être disqualifié, sait que cette fois il ne passera pas entre les gouttes en cas de prélèvement trouvant des traces de virus dans son organisme. Depuis son arrivée à Paris, tout va bien, fort heureusement pour lui. Mais la pandémie n’est pas la seule source d’inquiétudes des organisateurs. Pour Guy Forget, le directeur du tournoi, le principal défi sera de faire jouer un maximum de matches alors que les prévisions météorologiques s’annoncent plus que difficiles.

LE JOUR SANS PLUIE

A l’heure où ces lignes sont écrites, les prévisions météorologiques annoncent de la pluie dimanche, lundi, mardi, jeudi, vendredi… Enfin bref, on l’aura compris, mercredi est pour l’instant le seul jour où le tournoi pourrait se tenir sans précipitations. Si la fiabilité n’est pas maximale, la tendance qui se dégage promet un bazar monstre dans l’organisation. Guy Forget doit déjà s’arracher les quelques cheveux qui lui restent en passant ses journées sur le site de Météo France. Si l’image peut prêter à sourire, nul doute que pour les joueurs, le staff, les officiels et les amoureux de la petite balle jaune, le sourire est de la même couleur que le feutre rebondissant sur l’ocre de la Porte d’Auteuil.

Heureusement, le court Philippe-Chatrier dispose d’un toit flambant neuf, et qui a déjà sauvé bon nombre d’entraînements. C’est l’occasion rêvée pour le Grand Chelem français de prouver l’utilité de son investissement, ce dont on ne doutait déjà plus depuis dix ans. Le toit du Central sera peut-être la principale satisfaction de la quinzaine pour l’organisation du tournoi. Car les conditions de jeu, évidemment dégradées par l’humidité et le froid, n’aideront pas à la qualité du spectacle attendu. Des conditions que même le maître des lieux, Rafael Nadal, qualifie sobrement des «plus difficiles jamais connues ici». Le tout avec des balles plus lentes, que le taureau de Manacor décrit comme «pas les bonnes pour jouer sur terre battue», de quoi laisser l’impression d’un tournoi chaotique. Et si Rafa se cherchait des excuses ? Car s’il y a bien une interrogation des plus tennistiques qui soient, c’est bien celle-ci : Nadal peut-il perdre à Paris ? Difficile question à laquelle l’Espagnol aura à cœur de répondre sur le court, aussi lent soit-il.

PRESSION SUR LES FAVORIS

Outre Nadal, Djokovic et Thiem font figure de favoris pour prendre le trône du Majorquin à Roland-Garros si ce dernier devait mordre la terre. Pourtant, pour l’un comme pour l’autre, il faudra avoir digéré l’US Open. Pour Djokovic, disqualifié en huitièmes de finale après avoir involontairement envoyé une balle dans la gorge d’une juge de ligne, il s’agira de laver l’affront alors que la route semblait toute tracée pour revenir à une petite unité de Nadal au compteur des victoires en Grand Chelem (17 aujourd’hui pour le Serbe, 19 pour l’Espagnol). Le «Djoker» s’est déjà rassuré sur son niveau de jeu en remportant le Masters 1000 de Rome, en effaçant par la même occasion le record du plus grand nombre de titres dans cette catégorie de tournois avec un 36ème sacre, soit un de plus que Nadal. Nul doute que le vaincre sur sa terre serait un nouveau coup porté, plus terrible encore, derrière la tête de son rival espagnol.

D’autres auront à coeur de se relever, à commencer par Stefanos Tsitsipas, héroïque perdant d’une des rencontres les plus marquantes de la décennie écoulée à Paris. L’an passé, en huitièmes de finale face à Stan Wawrinka, il avait livré un combat épique de plus de cinq heures qui s’était achevé par une douloureuse défaite sur un court Suzanne-Lenglen en fusion. Après ce revers, le Grec avait eu du mal à relever la tête. De retour sur la terre d’une de ses plus grandes désillusions, il devra faire preuve de caractère. Dominic Thiem, lui, a déjà réussi un accomplissement rare ces dernières années en soulevant le trophée à l’US Open. Gagner un Grand Chelem, ils sont peu à l’avoir fait depuis quinze ans. Comment l’Autrichien aura-t-il absorbé le succès ? Sera-t-il libéré pour produire son meilleur tennis ? Sera-t-il victime d’un trou d’air après son premier titre du Grand Chelem ? Premier élément de réponse dès lundi, pour son entrée en lice, et pas face à n’importe qui.

DES DUELS ALLÉCHANTS

Face à Dominic Thiem, le hasard a en effet choisi un certain Marin Cilic, l’un des rares à avoir réussi l’exploit de soulever un Grand Chelem pendant la période durant laquelle le «Big 3» écrasait tout. Déjà adversaires au troisième tour de l’US Open, l’Autrichien avait pris le meilleur en quatre manches. Sur une surface qui convient mieux à Thiem qu’à Cilic, le premier est logiquement favori. A lui de faire le travail. D’autres duels promettent également un spectacle de qualité. A commencer par le tout premier affrontement de la quinzaine entre le prodige italien Jannik Sinner, auteur de quelques très belles performances cette saison, et David Goffin. Le Belge aura fort à faire pour écarter le vainqueur du Masters «Next Gen» l’an passé.

Chez les femmes, Caroline Garcia sera l’outsider d’un match qui s’annonce tendu face à l’Estonienne Anett Kontaveit. Johanna Konta, demi-finaliste Porte d’Auteuil l’année dernière, a hérité d’un tirage des plus compliqués avec une entrée en lice très délicate face à la pépite du tennis américain Coco Gauff. Enfin, le match le plus attendu de ce premier tour est sans aucun doute le duel entre deux anciens vainqueurs de Grand Chelem, Andy Murray, qui a bénéficié d’une wild-card, et Stan Wawrinka. Réservez votre journée, car il y aura de quoi se régaler au menu. Sauf peut-être si vous êtes chauvin…

LES BLEUS AU BORD DU GOUFFRE

Il faut bien le dire, les chances françaises sont minces. Pas de Jo-Wilfried Tsonga ni de Lucas Pouille, tous deux blessés et forfaits. Gaël Monfils, qui reste sur deux énormes contre-performances pour sa reprise, n’est franchement pas source d’espoir. Pour les autres, de Gasquet à Simon, en passant par Adrian Mannarino et Grégoire Barrère, passer le premier tour relèverait presque de l’exploit tant le tableau du dernier Grand Chelem de la saison leur est défavorable. Reste Corentin Moutet et Ugo Humbert, auteurs de prestations convaincantes cette année. Mais dès le deuxième tour, ils pourraient respectivement retrouver un certain Diego Schwartzman, tête de série n°12 et récent tombeur de Rafael Nadal à Rome, et Cristian Garin, 19ème à l’ATP et spécialiste de la brique pilée.

Pour faire simple, imaginer un Français en deuxième semaine Porte d’Auteuil serait, à défaut d’un miracle, un rêve. Chez les femmes, difficile d’imaginer mieux. En étant réaliste, il est assez simple de deviner que l’heure des Bleus n’est pas encore pour tout de suite. En attendant, il faudra se reposer sur le contexte, si particulier, et les duels qui font saliver pour se faire plaisir. Mais ne le boudons pas, ce plaisir. Après six mois loin des courts, revoilà le gratin du tennis mondial à Paris pour se disputer l’un des titres les plus prestigieux de l’histoire du tennis. Alors à vos écrans. Vous êtes prêt ? Que le spectacle commence.